L’article 26 des Constitutions de 1989 et 1996 établit que «l’Algérie se défend de recourir à la guerre pour porter atteinte à la souveraineté légitime et à la liberté d’autres peuples». «Elle s’efforce de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques.»
Sur l’échiquier international, l’Algérie a souvent opté pour la place d’arbitre, défendant un principe de non-intervention, qui a été nourri par le passé colonial et l’attachement au principe de souveraineté.
L’introduction d’un article dans l’avant-projet de la Constitution, donnant le pouvoir au président de la République d’envoyer des unités de l’armée à l’étranger après vote de la majorité du Parlement par les deux tiers de ses membres et d’un autre article, constitutionnalisant la participation de l’Algérie dans les opérations de maintien de la paix sous mandat de l’ONU, constitue-t-il un tournant majeur dans la politique internationale de l’Algérie ?
D’abord, et comme le souligne Ahmed Adimi, professeur en sciences politiques et ancien colonel à la retraite, rien n’interdisait au président de la République, également chef suprême des forces des Armées, de prendre la décision d’envoyer les troupes militaires à l’étranger. L’introduction de cet article dans l’avant-projet de la Constitution constitue, à ses yeux, une «réduction des pouvoirs du Président» car cette décision dépendrait, si cette mouture venait à être adoptée, de l’aval du Parlement.
Ceci étant, le fait est qu’il y a quelques décennies le principe de non-ingérence était inscrit dans la Constitution algérienne. L’article 26 des Constitutions de 1989 et 1996 établit que «l’Algérie se défend de recourir à la guerre pour porter atteinte à la souveraineté légitime et à la liberté d’autres peuples. Elle s’efforce de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques».
Cela semblait en phase avec l’engagement du pays dans le Mouvement des non-alignés auquel il est resté fidèle malgré la fin de la guerre froide. Surtout en s’abstenant d’intervenir dans les affaires internes des autres pays, l’Algérie signifiait son attachement au principe de souveraineté.
En gros, elle ne s’immisce pas dans les affaires des autres pour qu’on n’intervienne pas dans les siennes. Souvent, cette position a été saluée, sur le plan interne, comme lorsqu’elle s’est opposée à l’intervention militaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en Libye, arguant que l’élan populaire à l’encontre d’El Gueddafi relevait des affaires intérieures du pays, ou lorsqu’elle a signifié une fin de non-recevoir à l’Arabie Saoudite qui menait une coalition arabe au Yémen fin 2015 ou, plus loin encore, lorsque l’armée algérienne a refusé d’intégrer la coalition internationale sous commandement américain pour la libération du Koweït durant la première guerre du Golfe en 1990.
Il fut un temps, pourtant, où l’Algérie, dans son ardeur révolutionnaire, participait militairement aux causes jugées justes, telles que la guerre des Six-Jours en juin 1967, la guerre du Kippour en octobre 1973 (appelée aussi guerre du Ramadhan), ou encore au Liban, en 1976, à travers l’envoi de quelque 400 hommes auprès des troupes syriennes au Liban pour faire cesser la guerre civile. L’Algérie a, par ailleurs, autorisé la France à survoler son territoire dans le cadre de l’opération Serval, menée par Paris début 2013 au Nord du Mali.
Quant aux opérations de maintien de la paix, l’Algérie a envoyé des troupes sous l’égide de l’Onu au Congo (pour la mission Monuc), en Ethiopie (La mission Munee garantissant la paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée), ou encore en Angola après l’indépendance de ce pays pour instaurer la «paix» décidée par l’ONU entre le parti au pouvoir, le MPLA, et son rival l’Unita, mais aussi au Cambodge (Mipronuc), de décembre 1991 à février 1992.
Pour Akram Kharief, journaliste spécialiste des questions de sécurité et de défense, le non-interventionnisme de l’Algérie ces dernières décennies tient au fait que «l’Algérie a connu une période de troubles internes pendant la décennie 90′, qui se sont étendus au Grand Sahara et au Sahel pendant la première décade 2000, ce qui a mobilisé de manière intense l’armée algérienne à l’intérieur de ses frontières».
D’après Kharief, l’Algérie a payé le prix de son inaction le 16 janvier 2013 après l’attaque du complexe gazier d’In Amenas, qui fera 67 morts et qui paralysera ce site stratégique pour l’économie algérienne pendant plus d’un an. «L’attaque, écrit-il, avait été planifiée au Mali et exécutée à partir de la Libye».
Et d’ajouter : «Aujourd’hui, l’argument inventé d’une doctrine non-interventionniste de l’ANP n’a plus lieu d’être et rien que l’évocation de cette possibilité est un changement radical dans la région et offre un nouveau levier à la diplomatie algérienne».
En effet, la possibilité qu’offre cet article de l’avant-projet de la Constitution de déployer l’armée algérienne au-delà de ses frontières permettrait de disposer d’un outil diplomatique, comme le souligne la célèbre formule de Carl von Clausewitz : «La guerre n’est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une continuation des relations politiques, un accomplissement de celles-ci par d’autres moyens…».
Avec Elwatan