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Après 3 mois de blocage, Sonatrach reprend ses livraisons de fuel au Liban : Un retour sur fond de lutte pour le marché de carburant

Après avoir bloqué les livraisons de fuel, en raison de la saisie de deux de ses navires transportant du carburant, Sonatrach est revenu sur sa décision en livrant, le 12 juillet dernier, 35 000 tonnes de fuel à l’EDL et une autre livraison aura lieu dans les jours à venir.

C’est le ministre libanais de l’Energie, Raymond Rajar, qui l’a annoncé pour rassurer l’opinion publique, sur l’approvisionnement en gasoil des centrales électriques qui alimentent les Libanais en énergie.

Le ministre a parlé d’un premier chargement de Sonatrach, qui a permis de reprendre la production énergétique et d’alimenter le réseau électrique du pays, paralysé par des pannes récurrentes.

Au début de mois de juillet, le même ministre a évoqué la saisie de deux navires de la SPC Londres, chargés de gasoil et destinés à l’EDL, sur décision de la justice, qui enquête sur des présumées cargaisons de fuel de mauvaise qualité.

Pour justifier les pannes des centrales électriques et le rationnement de l’alimentation en énergie, il a affirmé au parterre de journalistes que Sonatrach avait décidé de ne plus approvisionner l’EDL, et qu’elle a exprimé son intention de ne plus reconduire le contrat. Mais, le même ministre avait laissé entendre que des «négociations» étaient en cours pour parvenir à une solution.

Après un silence de marbre devant la violente campagne médiatique contre elles au Liban – alimentée tantôt par des députés tantôt par des chefs de partis et des officiels – aussi bien Sonatrach que sa filiale londonienne, qui approvisionne, depuis 2005, l’EDL en fuel, en vertu d’un contrat pour une durée de 15 ans renouvelable chaque 3 ans (qui expire le 31 décembre 2020), ont fini par rejeter publiquement es accusations portées contre elles, en affirmant que le gasoil objet de contentieux a été expertisé avant son chargement et que les certificats établis par des bureaux indépendants attestent sa conformité aux normes prévues par le contrat qui lie l’Etat libanais à la compagnie.

Dans son communiqué diffusé il y a quelques jours, la SPC Londres a apporté un «démenti formel» aux «informations relayées dans la presse et les réseaux sociaux, au sujet de poursuites judiciaires lancées contre elle par la justice libanaise et assuré que ni elle ni aucun de ses responsables n’ont été entendus par la justice et qu’aucune poursuite n’a été engagée contre elle ou contre un de ses fonctionnaires, ses dirigeants ou ses délégués autorisés à signer à sa place». Pour la première fois, la société évoque les circonstances de cette affaire.

«Les termes du contrat conclu avec l’Etat du Liban sont clairs, notamment en ce qui concerne le transfert de la propriété, les risques et la responsabilité de l’Etat du Liban/ministère de l’Energie sur le fuel-oil et le gas-oil à partir de leur embarquement au port de chargement et la délivrance du certificat de qualité attestant de la conformité de la cargaison.

De ce fait, la cargaison du navire MT/Baltic est devenue la propriété et sous la responsabilité de l’Etat du Liban/ministère de l’Energie depuis son chargement au port», a indiqué la société dans un communiqué, diffusé il y a quelques jours.

La SPC Londres est revenue sur les circonstances relatives au fuel suspecté par les autorités libanaises en affirmant : «Après avoir déchargé la cargaison (fuel) du navire MT/Baltic dans les réservoirs de l’Electricité du Liban, et après les analyses de laboratoire, le ministère de l’Energie (libanais) a informé Sonatrach Petroleum Corporation de la non-conformité de l’une des normes des spécifications techniques contractuelles qui est le ‘‘Sédiment’’, ce qui a poussé deux sociétés privées qui font fonctionner certaines installations de l’Electricité du Liban à refuser d’utiliser le fuel en question.

En vue d’aider le ministère libanais de l’Energie, on a proposé d’effectuer une autre analyse de la norme ‘‘Sédiment’’. Les résultats de l’analyse ont démontré la non-conformité de cette norme. Ce à quoi, Sonatrach Petroleum Corporation a envoyé un navire vide pour recharger le fuel non conforme et le remplacer aux frais de l’entreprise.»

La filiale de Sonatrach a précisé : «Pour éviter une pénurie de fuel dans les réservoirs d’Electricité du Liban, le 29 mars dernier, SPC-Sonatrach a dépêché le navire MT/British Cumulus, amarré dans les eaux territoriales du Liban, pour acheminer le fuel qu’il transportait au pays, bien que le processus de son accréditation n’a pas été achevé. Après un accord avec le ministère libanais de l’Energiele navire MT/Seacrown est arrivé vide au Liban pour recharger le fuel jugé non conforme aux normes contractuelles, le 30 avril dernier.»

L’entrée surprise de la Kuweit Petrolium Corporation

Et d’ajouter : «Le navire, immobilisé dans les eaux territoriales libanaises, n’a été autorisé à recharger le fuel en question qu’un mois et demi après, soit le 24 juin dernier, et l’opération est toujours en cours. Le 4 mai dernier, le navire MT/Asopos a transporté une autre cargaison de fuel au Liban.

Mais, le ministère libanais de l’Energie l’a refusée sous prétexte que l’une des normes des spécifications techniques contractuelles ‘‘Density’’ (densité) était non conforme, et ce, malgré le certificat de qualité délivré au port de chargement. Le navire a été immobilisé dans les eaux territoriales libanaises sans décharger ni repartir.»

Face à cette situation, a expliqué la société pétrolière, «SPC-Sonatrach a adressé, en vain, de multiples demandes écrites aux autorités libanaises pour avoir le rapport officiel concernant la non-conformité du fuel. Après une longue attente sans réponse des autorités libanaises, SPC-Sonatrach a procédé à l’analyse d’un échantillon du fuel transporté par le MT/Asopos, en provenance de l’Etat du Texas aux Etats-Unis.

L’échantillon de fuel a été analysé par une grande société internationale américaine spécialisée ‘‘SGS’’. Et les résultats ont démontré la conformité du fuel transporté par le MT/Asopos, confirmant le certificat de qualité délivré au port de chargement.

Le ministère libanais de l’Energie a été informé des résultats des analyses le 27 mai 2020, et il a autorisé le navire à décharger sa cargaison le 17 juin, soit après 40 jours d’attente et de retard causé. (Le MT/Asopos est arrivé dans les eaux libanaises le 4 mai)».

Elle a relevé par ailleurs que «le procureur général financier, spécialisé dans les affaires de dilapidation de deniers publics s’est saisi de l’affaire de la cargaison de fuel acheminée par le navire MT/Baltic et après avoir terminé les enquêtes, il a décidé d’enregistrer l’affaire», pour quatre motifs : «L’objet du dossier est de nature technique et concerne l’une des spécification du fuel, ce qui est habituel dans ce domaine (Fuel Oil Industry Practices), la société (SPC-Sonatrach) a décidé de reprendre et de remplacer la cargaison de fuel sur ses propres frais, bien que le contrat conclu avec l’Etat du Liban/ministère de l’Energie stipule que le fuel est devient la propriété et sous la responsabilité du Liban à partir de son embarquement du port de chargement et la délivrance du certificat de qualité, l’Etat du Liban n’a enregistré aucune perte financière et absence de toute intention criminelle nécessitant des poursuites.

Le dossier a été par la suite transmis au procureur général du Mont-Liban. Malgré l’absence de spécialisation, l’enquête a été rouverte pour inclure par la suite la cargaison de fuel transportée par le MT/Asopos.» La décision est pour le moins troublante, parce qu’elle laisse transparaître cette volonté délibérée à mettre en accusation la SPC Londres, et à travers elle Sonatrach.

D’ailleurs, il est important de préciser que pendant que la crise bloquait les cargaisons de fuel par la filiale de Sonatrach, un nouveau fournisseur, KPC (Kuweit Petrolium Compagnie)  décrochait un contrat de livraison incessante de 50 000 tonnes de fuel. Le retour de SPC Londres peut-il être assimilé à une fin de crise ou à un assainissement d’un contentieux en attendant la fin de contrat ? La question reste posée…

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