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Assemblée tunisienne : La demande d’excuses à la France pour ses crimes coloniaux ne passe pas

Seulement 77 députés (sur les 217) ont été favorables à la motion de demande d’excuses à la France pour ses crimes coloniaux. Tous les blocs parlementaires ont pourtant été favorables pour le principe de condamnation.

Mais, la rivalité politique l’a emporté sur les principes. L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) n’est pas parvenue, avant-hier, à faire passer une motion, présentée par le bloc Al Qarama (19 députés), condamnant les crimes coloniaux de la France.

C’est la deuxième fois, en six jours, que l’ARP ne parvient pas à faire passer une motion. Mercredi dernier, ce fut la motion condamnant l’intervention étrangère en Libye, qui n’était pas passée, elle aussi. L’ARP est atteinte d’une diarrhée verbale, sans la moindre efficacité.

Double-jeu

La satisfaction se lisait clairement sur le visage de l’islamiste Rached Ghannouchi, président de l’ARP, en annonçant le rejet de la motion de condamnation des crimes coloniaux de la France en Tunisie. La proposition du bloc Al Qarama n’a obtenu que 77 voix favorables, contre 49 abstentions et 5 refus, loin donc des 109 voix nécessaires pour passer. Pourtant, Ennahdha (54 sièges), le bloc démocratique (39 députés), Al Qarama (19 sièges) et plusieurs autres députés de divers bords étaient favorables aux principes énumérés par la motion.

Donc, il y avait anguille sous roche si la motion n’est pas parvenue à réunir la majorité. En effet, mis à part les initiateurs de la motion, les populistes d’Al Qarama, les autres étaient plutôt dans l’obligation politique de la soutenir, par souci de se montrer révolutionnaires. Mais tout comme Ghannouchi, personne ne veut de cette tension inopportune avec la France. Et c’est ce qui explique qu’elle n’ait réuni que 77 votes favorables.

 

Par ailleurs, il est utile de souligner que même les représentants des partis Qalb Tounes, Parti destourien libre (PDL) et Tahya Tounes ont condamné dans leurs interventions les crimes de la France. Mais leurs interventions ont reproché à la motion d’avoir omis les rôles des dirigeants nationaux, comme Habib Bourguiba et Farhat Hached, dans la lutte pour l’indépendance de la Tunisie.

Plusieurs amendements ont été présentés et Seyfeddine Makhlouf, le président du bloc Al Qarama, a dit en avoir tenu compte lors de la lecture du texte final de la motion. «Vous risquez de faire de l’ARP une mascarade si vous refusez une motion condamnant les crimes coloniaux de la France», a averti le député Sayed Ferjani et ses propos ont été repris par le député Makhlouf, juste avant le vote.

Mais, les dés étaient déjà jetés. Déjà 86 députés n’ont pas pris part au vote. En plus, les 77 voix favorables ne constituent même pas la somme arithmétique des sièges d’Ennahdha (54) et du bloc démocratique (39), sans parler des initiateurs de la motion, le bloc Al Qarama (19 députés).

Blocage politique

La crise politique latente, sévissant en Tunisie, n’a fait que réapparaître de nouveau avec ce double rejet de motions. L’ARP est loin d’être homogène, tout comme la majorité entourant le gouvernement. Aussi bien le président de l’ARP, l’islamiste Ghannouchi, que le président du gouvernement, Elyes Fakhfakh, sont sur des chaises éjectables. Et c’est la raison pour laquelle Ghannouchi veut élargir la majorité gouvernementale au parti Qalb Tounes, du magnat des médias Nabil Karoui.

Néanmoins, son argumentaire est faible pour justifier cette requête. «Comme preuve d’inhomogénéité gouvernementale, vous reprochez, notamment au parti Chaab, d’avoir voté en faveur de la motion condamnant l’intervention étrangère en Libye. Or, vous voulez le remplacer par Qalb Tounes, qui a lui aussi voté la même motion.

Soyez plus cohérents, nous ne sommes pas des enfants», lui réplique la députée Samia Abbou, du Courant démocratique, allié d’Ennahdha au sein du gouvernement Fakhfakh.Les propos du président de l’ARP Ghannouchi, et de son alliée du Courant démocratique, la députée Abbou, montrent la faiblesse de la majorité gouvernementale. Ennahdha n’est pas parvenu à digérer de ne pas gouverner, malgré sa victoire aux législatives.

La réussite du gouvernement dans la lutte contre le coronavirus n’a pas servi le dessein des islamistes de faire chuter le gouvernement au premier tournant. Loin de là, les dernières motions, rejetées à l’ARP, montrent les difficultés à obtenir la majorité des 109 voix pour faire chuter le gouvernement Fakhfakh. A quelques mois du 10e anniversaire de sa révolution du 14 janvier 2011, la Tunisie peine encore à retrouver sa stabilité, notamment sur le plan socioéconomique.

 

Avec Elwatan

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