Les récentes attaques informatiques contre des institutions majeures, comme la Banque de l’Habitat du Sénégal et la Réserve fédérale américaine, viennent rappeler l’ampleur croissante de la cyberguerre et de la guerre informationnelle, qui deviennent les principaux moteurs d’une nouvelle conflictualité mondiale. Ces événements, qui surviennent à la fin de l’année, mettent en lumière une réalité inquiétante : dans ce nouveau paradigme, la cybersécurité est désormais au cœur des enjeux géopolitiques.
Ce type de conflit est d’une nature particulièrement dangereuse, vicieuse et pernicieuse, car il ne respecte ni les rapports de force traditionnels ni les règles établies entre nations. La cybercriminalité, alimentée par des hackers individuels ou des groupes sponsorisés par des États, ne requiert que peu de ressources matérielles mais des talents technologiques, souvent jeunes et audacieux, pour infliger des dommages colossaux. Les conséquences des cyberattaques, principalement dans les institutions financières, sont quotidiennes, mais la véritable inquiétude réside dans le risque d’extension de ces attaques aux infrastructures critiques telles que l’eau, l’électricité, la santé et les transports.
Le terrorisme international, en particulier depuis les attaques du 11 septembre 2001, a mis en évidence la vulnérabilité de ces infrastructures vitales. Les Nations unies, dans leur résolution 2341 de 2017, ont appelé à une protection accrue de ces structures essentielles, mais la dimension numérique de cette sécurité reste encore insuffisamment prise en compte. Cela laisse de nombreuses failles dans la protection des infrastructures critiques à l’échelle mondiale.
Le risque de cyberattaques contre des infrastructures vitales pourrait s’aggraver si ces attaques deviennent un outil de « guerre par procuration », où des hackers sont employés par des États pour atteindre des objectifs géopolitiques sans recourir à la force militaire. La Russie est souvent citée comme un exemple de nation utilisant cette tactique pour déstabiliser ses rivaux, en particulier en Afrique et dans d’autres régions stratégiques.
Pour contrer ce fléau grandissant, l’Afrique doit impérativement développer une stratégie continentale en matière de cybersécurité. Le renforcement des capacités humaines à travers la formation en cybersécurité et la promotion de la souveraineté numérique sont des éléments clés pour ne pas se retrouver dépassé par ces menaces. Le Sénégal a déjà pris des initiatives importantes, telles que la création, en 2020, d’une école de cybersécurité, fruit de la coopération avec la France. Cette école se veut un pôle de référence pour l’Afrique, formant les cadres nécessaires à la défense des systèmes informatiques contre les cybermenaces.
Cependant, la cybersécurité ne peut pas être une réponse exclusivement nationale, car les défis sont transnationaux. La coopération internationale est indispensable pour renforcer les capacités de défense et développer des cyberarchitectures sécuritaires adaptées aux besoins spécifiques des pays africains. Il est également crucial de promouvoir la collaboration entre les acteurs privés, notamment dans le secteur financier, pour mieux anticiper les risques et construire une infrastructure de cybersécurité solide et résiliente.
Ainsi, dans cette nouvelle ère de la conflictualité numérique, l’Afrique doit s’engager résolument sur la voie de la cybersécurité et de la souveraineté numérique. Face à ces menaces complexes et globales, seule une réponse collective et proactive permettra au continent de se prémunir contre les cyberattaques et de garantir la sécurité de ses infrastructures vitales.