Sur la route de Rufisque, l’axe rond-point Sips-Fass Mbao (département de Pikine) fait craindre le pire. À côté des crevasses, l’absence d’éclairage public expose les populations aux nombreux cas d’agression et aux accidents mortels.
Somnolant sur sa table de fruits à Poste Thiaroye, Aminata Faye est alertée par le flash d’un appareil photo. Sautant de ces instants de détente, la dame s’emporte : « C’est qui ce gars sur la passerelle ? Depuis quelques minutes, il nous photographie. Qu’il arrête ! ». Un de ses voisins, vendeur d’outils téléphoniques, tente de la calmer. « Il est peut-être journaliste », lui explique-t-il, plein d’humour. Les discussions sont engagées autour de l’opportunité d’un tel travail. Après des minutes d’échanges, la lumière jaillit du visage noir de colère d’Aminata. Ses rouspétances se transforment en doléances en un laps de temps. « Nous sommes tout le temps dans le noir. Le danger est permanent. Il y a beaucoup d’accidents et des cas d’agression. Il nous faut un projet d’éclairage public », plaide-t-elle, en formulant des prières.
Sur l’échangeur plongé dans la pénombre, les véhicules roulent à vive allure. Les seules sources de lumière sur cette route sont les enseignes des boutiques et les phares des voitures. Ce qui est inadmissible aux yeux de Serigne Faye. En boubou traditionnel vert, il apprécie la saveur d’un plat de « Mborokhé » sur la table d’une gargote. L’homme, un fringant quinquagénaire, rapporte son échange de la veille sur la question. « De Sips à Fass Mbao, il n’y a pas de lampe. C’est incompréhensible. Il faut que l’État nous sauve », gémit-il, inquiet. À 22h 20mn, le rond-point Sips est plongé dans le noir. Malgré les poteaux électriques installés entre les deux voies, aucune lampe n’est allumée. Sur cette chaussée dégagée, les automobilistes accélèrent. Cette vitesse dans l’obscurité inquiète Ousmane Bâ. Sous l’enseigne d’un immeuble, le jeune homme sert du café à un client. Sur place depuis deux ans, il ne comprend pas le défaut d’éclairage public sur cet axe très fréquenté. « À partir de 20 heures, nous sommes dans le noir. Nous voyons des dizaines de poteaux, mais aucune lampe n’est allumée. Certains commerçants ont quitté, craignant pour leur sécurité », dit-il, tirant sa clope.
Récurrence des accidents et nid de bandits
Si entre l’usine Sips et Poste Thiaroye les poteaux électriques installés au milieu de la route ont suscité l’espoir des populations, à Diamagueune, rien ne présage de la fin imminente du calvaire. Les automobilistes se fient à leurs phares, les commerçants installés tout autour usent de lampes torches. Ce que peine à concevoir Dame Diagne. « À côté des crevasses, il y a cette obscurité qui inquiète tout le monde. Lundi dernier, un automobiliste, qui a perdu le contrôle de son camion, a mortellement fauché une vendeuse de fruits », regrette-t-il. À l’en croire, les cas d’agression sont de plus en plus récurrents. « On dénombre en moyenne une dizaine de cas d’agression par semaine. Sans éclairage public, cet axe devient un nid de bandits », ajoute le rabatteur. À hauteur de la station Edk, on a le cœur à la fête. De jeunes couples se dirigent vers le glacier. Malgré l’envie de se détendre, Abdoul Ba se soucie de sa sécurité et de celle des riverains. En pantalon noir et chemise blanche, il plaide pour un projet d’éclairage public allant de Pikine à Rufisque. « Au centre-ville, ce problème est résolu depuis des lustres. Il faut que la banlieue bénéficie du même traitement. Ce qui permettra de mettre fin aux meurtres et aux accidents », clame Abdoul.
Au garage clando de Fass Mbao, les chauffeurs discutent à côté d’une vendeuse de fruits en attendant les passagers. L’éclairage public constitue la principale préoccupation d’Aïssatou Diouf, puisque menant son activité sur le trottoir. « J’ai plusieurs fois été témoin d’accidents et de meurtres à cause de l’obscurité », dit-elle, dans l’espoir de voir son vœu d’une route éclairée se réaliser.
Avec Le soleil