Les talibans ont pris le contrôle de cinq capitales provinciales afghanes en quelques jours. Alors que les forces étrangères quitteront définitivement le pays à la fin du mois d’août, les talibans conquièrent de larges parties du territoire. Dimanche, trois villes ont été capturées par les insurgés qui progressent à une vitesse éclair. Une progression qui ne surprend pas les observateurs.
Ce lundi matin, les talibans s’attaquent à Mazar-i-Sharif, grande ville du nord du pays, rapporte notre correspondante à Kaboul, Sonia Ghezali. À Taloqan, cela faisait plusieurs semaines que les forces de sécurité afghanes appuyées par des milices d’auto-défense résistaient aux talibans, rapporte encore Sonia Ghezali. En vain. La ville dans le nord-est est tombée hier.
Les habitants restés sur place racontent les raids aériens pour tenter de déloger les talibans, ils décrivent ces B52 dans le ciel, ces énormes bombardiers américains symbole de la puissance militaire des États-Unis mais qui n’ont pas changé le rapport de force.
Des cadavres jonchant les rues
Des milliers de familles ont fui les combats au péril de leur vie. Ceux qui sont restés sont pris au piège comme cette habitante de Kunduz contactée par téléphone hier. « Je souhaite partir mais c’est trop tard. Il y a des barrages tenus par les talibans partout », nous a-t-elle dit.
Les raids aériens font aussi de nombreuses victimes parmi les civils. Des vidéos insoutenables circulent sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. On y voit des cadavres d’enfants dans les rues et dont les visages sont méconnaissables à cause de leurs blessures, des enfants également en état de choc, désorientés. Dans le sud du pays, les combats font rage à Kandahar et Lashkar Gah, deux capitales provinciales dont tout le monde prédit la chute imminente.
Les talibans progressent à une vitesse folle, depuis leurs offensive lancée au mois de mai, et avec une facilité très surprenante. Ils contrôlent plus de la moitié du territoire afghan et plusieurs frontières dont celles avec le Tadjikistan et le Turkménistan et un poste frontière avec l’Iran et un autre avec le Pakistan.
« La situation actuelle était inéluctable »
Si la facilité avec laquelle les talibans avance étonne, tous ceux qui suivent ce dossier savaient qu’inévitablement les talibans s’empareraient progressivement de l’ensemble du territoire afghan et très rapidement, maintenant, du pouvoir à Kaboul, nous explique le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’école supérieure de guerre, joint par Achim Lippold, du service international.
« On voit bien que le moral joue pour beaucoup parce l’armée afghane est théoriquement bien mieux formée que les talibans, qui ne sont jamais que des guérilleros avec des kalachnikovs, alors que l’armée afghane a été formée pendant des années – deux décennies pratiquement ou un peu moins – par les armées internationales, analyse le général Vincent Desportes.
Donc on voit bien que ce n’est pas un problème de tactique ou de technique, c’est essentiellement un problème de choix. Et posez-vous la question : les Américains étaient bien plus forts que les Vietnamiens, et ils ont perdu ! Ils étaient bien plus forts que les talibans ! »
Rappelons que le général Desportes s’était illustré il y a quelques années en critiquant la stratégie américaine en Afghanistan dans un entretien au journal Le Monde.
« Alors comment voulez-vous que cette pauvre armée afghane, formée, mais pas très bien armée, et qui n’y croit plus, l’emporte vis-à-vis des talibans ? C’est strictement impossible. La situation actuelle était inéluctable. Tous ceux qui connaissaient le dossier savaient qu’inévitablement, un jour et forcément assez rapidement, les talibans s’empareraient progressivement de l’ensemble du territoire afghan et très rapidement, maintenant, du pouvoir à Kaboul. »
Avec Rfi