Si les démocrates ne remportent pas les deux élections sénatoriales organisées ce mardi 5 janvier en Géorgie, Joe Biden devra cohabiter avec un Sénat majoritairement républicain, et hostile. L’Amérique aura ce soir les yeux tournés vers Atlanta.
Deborah Scott n’a pas de temps à perdre. Directrice de Georgia STAND-UP, une organisation qui encourage la participation électorale afro-américaine en Géorgie, cette dynamique quinquagénaire est «en mode compte à rebours» avant le deuxième tour des élections sénatoriales dans cet État du sud-est des États-Unis.
En cette veille de week-end du Premier de l’An, elle vient de déployer 75 volontaires pour frapper aux portes des électeurs d’Atlanta, afin de les encourager à aller aux urnes, ce mardi 5 janvier. «Nous n’avons pas fait de pause depuis les élections de novembre, s’exclame-t-elle Je suis physiquement épuisée, mais enthousiaste mentalement! »
Résistez aux emballements médiatiques et informez-vous utilement, avec calme et recul.
Un double examen décisif pour la présidence Biden
Crucial pour le contrôle du Sénat, ce second tour dans cet État traditionnellement républicain déterminera le destin de la présidence Biden (lire ci-dessous). Deux sièges sont en jeu: l’un contre le journaliste d’enquête Jon Ossoff, 33 ans, à l’homme d’affaires et sénateur républicain David Perdue; l’autre, la financière Kelly Loeffler, également sortante aux couleurs républicaines, au pasteur noir Raphael Warnock, de l’ancienne église de Martin Luther King Jr. à Atlanta.
Rapidement, des bataillons des deux camps ont débarqué dans l ’État de la Pêche, où Donald Trump et Joe Biden ont convergé, lundi 4 janvier, pour soutenir leurs candidats concernés. Au 5 janvier, plus de 400 millions de dollars ont été dépensés dans des activités de porte-à-porte et des publicités de campagne, notamment. Un record pour des élections sénatoriales.
Sur place, les électeurs sont bombardés de spots de campagne. Les uns décrivent les démocrates comme des «radicaux», les autres présentent les républicains comme des incompétents qui n’ont pas su protéger la population du Covid-19, dans un État où les hospitalisations ont battu des records en décembre.
«La victoire reviendra au camp qui parviendra à mobiliser ses électeurs», résume David McIntosh, le directeur du lobby libéral Club for Growth, qui a affrété un bus aux couleurs républicaines pour sillonner l’État avant le 5 janvier.
Sa mission? «Sauver l’Amérique» des politiques démocrates («augmentation des impôts», «suppression de la police»…). «On ne peut pas admettre que Joe Biden contrôle la Maison-Blanche et les deux chambres du Congrès», estime Rockman Bentumo, un participant congolais à une récente escale du bus à l’extérieur d’Atlanta, en présence de l’ancien candidat à la vice-présidente Sarah Palin.
Revanche républicaine ou confirmation démocrate?
Pour le parti républicain, il s’agit de parvenir à remotiver les troupes après la défaite de novembre, malgré les incessantes remises en question de la légitimité du processus électoral en Géorgie par Donald Trump lui-même.
Dimanche 3 janvier, le Washington Post a provoqué la stupeur en diffusant l’enregistrement d’une conversation téléphonique dans l’actuel président demande ouvertement au républicain en charge des élections dans cet État, Brad Raffensperger, de «trouver» 11 780 bulletins de vote pour la présidentielle à son nom, afin de faire basculer le résultat.
En Géorgie, Joe Biden s’est en effet imposé avec 11 779 voix d’avance, devenant le premier démocrate à remporter une présidentielle dans cet État depuis 1992. Les démocrates y voient le résultat de leur travail de mobilisation des électeurs afro-américains, hispaniques et asiatiques, qui deviendront majoritaires en Géorgie d’ici à 2024.
Ils ciblent notamment les femmes noires, très actives politiquement, ou la communauté indienne, grandissante en banlieue d’Atlanta, pour les pousser à retourner aux urnes. «Beaucoup d’immigrés ne comprennent pas qu’ils doivent voter une seconde fois pour ces sénatoriales, que remporter la présidentielle ne suffit pas», relativise Uday Rajan, volontaire indien au sein de la campagne de Raphael Warnock.
«Je ne suis pas convaincu que la Géorgie soit démocrate, affirme David Caras, qui fait du porte-à-porte auprès des électeurs hispaniques pour les républicains dans le cadre de l’initiative LIBRE. Certes la Géorgie a glissé vers la gauche avec l’arrivée de nouvelles populations, mais il y a aussi eu un facteur Trump ». L’Amérique saura ce mardi soir si les démocrates peuvent mobiliser sans leur épouvantail favori.
Comme l’élection présidentielle, les sénatoriales ont eu lieu le 3 novembre aux États-Unis. Mais la Géorgie prévoit un deuxième tour si aucun candidat n’obtient la majorité absolue. Il se tient ce mardi 5 janvier pour les deux sièges de l’État.
Les démocrates contrôlent la Chambre des représentants. Au Sénat, ils disposent de 48 sièges contre 50 aux républicains. S’ils remportent les deux élections, ils éviteront une cohabitation à Joe Biden, car en cas d’égalité, le dernier mot revient au président du Sénat: rôle que la Constitution attribue à la vice-présidence.
Outre le fait de voter les lois fédérales, le Sénat autorise (à la majorité des deux tiers) la ratification des traités par le président, et donne son accord aux nominations pour les membres du cabinet présidentiel ou du gouvernement, les juges fédéraux, les ambassadeurs …