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GUERRE DE TITANS

L’économie américaine ralentit. Celle de la Chine s’essouffle. Les deux locomotives de l’économie mondiale tentent, sur fond d’une féroce rivalité, de contenir le coup de frein porté à leur élan et de retrouver la robustesse afin de limiter les dégâts. Car dégâts, il y a. Puisque Pékin et Washington se livrent à une guerre commerciale inédite dont les effets se font sentir à une très vaste échelle.

Avons-nous tort (ou raison), en Afrique, de nous détourner de cette bataille entre superpuissances ? Elles dominent le monde mais dans des proportions inversées. En revanche, de sérieux contentieux commerciaux les opposent. Washington, sous l’impulsion de Donald Trump, décide de taxer des produits chinois à hauteur de 50 milliards de dollars. Ces décisions américaines sont assorties d’une mise en garde : « Nous mettrons en place des droits de douanes supplémentaires si la Chine s’engage dans des mesures de rétorsion. »

Non contente de déclencher les hostilités, la Maison Blanche interdit à l’Empire du Milieu de réagir pour défendre ses propres intérêts. L’Amérique reproche à la Chine de travailler « de manière agressive pour affaiblir ses industries de haute technologie et sa domination économique par le biais de pratiques commerciales déloyales. » Le Représentant de Trump pour les Affaires commerciales, Bob Lighthizer, souligne qu’à travers sa stratégie industrielle baptisée « Made in China 2025 », Pékin ne cherche rien moins qu’à agenouiller la première puissance du monde.

Près de 820 produits importés de Chine sont ainsi frappés de droits de porte. Cela va des pièces détachées aux moteurs électriques, des équipements pour l’industrie notamment surtaxés à hauteur de 25 % à partir de juillet prochain. A cette liste s’ajoutera une autre de produits identifiés par la Chine comme « prioritaires » dans son plan stratégique. Le président chinois, Xi Jiping a fait figure d’exception, dans le silence…

En réplique aux mesures américaines, la Chine a décidé, à son tour, d’imposer des droits de douanes de 25 % sur au moins 659 produits américains d’une valeur totale de 50 milliards de dollars. L’égalité mathématique de part et d’autre est frappante.

Naturellement, rapporté aux totaux d’importations en provenance de Chine, chiffrés à 505 milliards de dollars, ce coup s’avère mesuré voire modeste. Il n’empêche que l’inquiétude des entreprises grandit de même que se rétrécissent leurs sources d’approvisionnement. Or Trump, loin d’assouplir sa position, exige une plus grande ouverture du marché chinois et « l’abandon par Pékin des pratiques protectionnistes non tarifaires qui violent la propriété intellectuelle. »

Derrière cet euphémisme bien enroulé se cache la « mère des batailles » : la 5G, la nouvelle génération de téléphonie mobile sur laquelle la Chine dame le pion à tout le monde grâce à la formidable avancée de son emblématique opérateur Huawei. A côté, le champion américain Vérizon n’est encore qu’un nain tant dans les terminaux disponibles que dans le déploiement. Qui plus est, il découvre son retard. Abyssal.

Or, l’Europe et les Etats-Unis traînent à petits pas derrière la Chine dont l’offre aux mobiles est plus complète avec l’arrivée des Smartphones 5G. L’avancée chinoise bouleverse des usages qu’induit l’arrivée de la 5G dont les Etats-Unis tentent, vaille que vaille, d’endiguer le flux. « Parce qu’ils ne sont pas encore prêts », murmurent des observateurs très au fait de l’actualité de cette fulgurante technologie.

A cet égard le gouvernement US se veut intransigeant : pas de Huawei sur le sol américain. Le géant chinois des télécoms est la cible des colères homériques du Président américain. Les Européens eux, obligés de s’aligner sans perdre la face, optent, à l’image de la France, pour une loi renforçant les dispositifs de contrôle et de certification des équipements. Près de 15 000 ingénieurs européens, Français et Allemands en tête, sont spécialisés dans la sécurité des réseaux.

En clair, un rideau de fer se dresse face à une expansion probable de l’opérateur chinois très redouté en raison de la globalité de son offre 5G dont les caractéristiques sont examinées à la loupe par les Etats-Unis et l’Europe qui redoutent, il faut le dire, des « actes d’ingérence » d’Etats tiers, comprenez la Chine. Cette précaution, pour légitime qu’elle soit, ne dissipe pas pour autant le mécontentement des opérateurs occidentaux, craignant que les lois, une fois prises, ne marginalisent Huawei au risque d’un « appauvrissement de la concurrence » dans le domaine très convoité des télécoms. Une autre hypothèque risque d’apparaître : une hausse vertigineuse des prix si le nombre de compétiteurs passe de trois à deux.

Pour d’aucuns, cette bataille commerciale entre Américains et Chinois constitue un jalon dans la course au leadership mondial sur le plan technologique. Les mêmes redoutent son intensification avec une extension des litiges à d’autres domaines. Ce scénario n’exclut pas le continent africain très convoité par les superpuissance en raison de sa centralité géostratégique, de ses incomparables ressources, de sa vitalité démographique et du réveil démocratique des peuples qui découvrent le caractère artificiel des frontières quand il faut bâtir un projet panafricain.

Ces atouts, l’Afrique peut les faire prévaloir si ses nombreux dirigeants, comprenant les enjeux, parviennent à parler d’une seule voix face à des interlocuteurs autrement mieux outillés et organisés. Des frémissements sont perceptibles. Il s’agit de « relooker » l’Afrique afin d’inscrire dans la durée sa perspective d’émergence actée dans l’agenda 2063 de l’Union africaine dont le siège à Addis Abeba a été conçu, financé puis construit et offert par la Chine qui dispose, non loin à Djibouti, précisément, de sa première base militaire sur le continent. Pékin a-t-il des amis ou des intérêts ?

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