NAIROBI — Le Kenya est à nouveau le théâtre d’une révolte populaire d’ampleur. Depuis hier, des milliers de manifestants, en grande majorité des jeunes, descendent dans les rues de Nairobi, Mombasa, Kisumu et d’autres villes pour dénoncer la brutalité policière, la corruption, le chômage massif et une vie de plus en plus chère.
La répression a été violente et sanglante. Selon Amnesty International, au moins 16 personnes ont perdu la vie et plus de 400 ont été blessées lors de la dispersion brutale des rassemblements par les forces de sécurité. Plusieurs témoins font état de tirs à balles réelles, de gaz lacrymogènes lancés sans sommation et d’arrestations arbitraires, y compris de secouristes et de journalistes.
Les manifestants réclament la démission du président William Ruto, l’un des symboles d’un pouvoir accusé d’être sourd à la détresse populaire. Beaucoup brandissent des pancartes à la mémoire des victimes de la répression sanglante de 2024, qui avait atteint son paroxysme le 25 juin, lorsque des protestataires avaient pris d’assaut le Parlement à Nairobi pour exiger l’abandon d’un projet de loi de finances controversé.
Ce soulèvement de 2024 s’était soldé par plus de 60 morts et au moins 80 disparitions documentées par des ONG. Un an plus tard, les plaies sont toujours ouvertes, et la colère n’a fait que grandir.
Malgré les tentatives du gouvernement de censurer les médias et de restreindre l’accès aux réseaux sociaux, la mobilisation persiste. Des groupes citoyens contournent les coupures numériques à l’aide de VPN et de plateformes alternatives pour diffuser les images de la répression et coordonner les manifestations.
« Nous manifestons pour notre avenir. Ce n’est pas seulement une question de politique, c’est une question de survie », témoigne un étudiant de 21 ans dans une vidéo largement relayée.
La communauté internationale reste pour l’instant silencieuse, tandis que le Kenya semble s’enfoncer dans une crise politique et sociale majeure. Pour beaucoup, la rue est désormais le dernier espace de contestation dans un pays où les institutions sont jugées complices ou impuissantes.
La tension reste extrêmement élevée, et la question qui se pose désormais est claire : jusqu’où le gouvernement ira-t-il pour tenter d’étouffer la voix d’une jeunesse qui n’a plus rien à perdre ?