Le prince héritier et homme fort du royaume doit faire l’objet d’une enquête pénale internationale. C’est ce que préconise Agnès Callamard, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Elle ajoute même que les sanctions qui visent déjà 17 personnalités saoudiennes devraient être étendues : « compte tenu des preuves crédibles concernant les responsabilités du prince héritier dans son assassinat, de telles sanctions devraient également inclure le prince héritier et ses biens personnels à l’étranger ».
Le prince saoudien au cœur du rapport
Au début de l’année, elle affirmait déjà que le meurtre de Jamal Khashoggi avait été planifié par des représentants de Riyad. Six mois d’enquête n’auront pas modifié ce qui semblait déjà être la piste principale de la rapporteuse spéciale. Elle s’est rendue en Turquie, aux États-Unis ainsi dans plusieurs pays d’Europe dont la France. Elle n’a par contre pas pu aller en Arabie saoudite : le royaume a refusé d’ouvrir sa porte à l’équipe d’Agnès Callamard.
Le nom du prince héritier est partout dans le rapport de 115 pages rapporte notre correspondant à Genève, Jérémie Lanche. Mais Agnès Callamard met en garde contre l’importance disproportionnée accordée à l’identification du seul auteur du crime.
La suite, c’est peut-être l’ouverture d’une enquête pénale internationale. Si elle voit le jour, il y a peu de chances que ce soit au Conseil de sécurité, divisé sur la question. Mais plutôt par une décision du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guetteres. Une solution que semble prôner Agnès Callamard dans son rapport.
Une affaire interne pour les Saoudiens
De son côté, l’Arabie saoudite considère que l’assassinat de Jamal Khashoggi est une affaire interne. Un procès est d’ailleurs en cours dans ce pays, car Riyad assure que le journaliste saoudien a été tué lors d’une opération menée sans l’accord du pouvoir saoudien. Dans un tweet, le ministre des Affaires étrangères saoudien Adel Aljubeir affirme suite au rapport qu’il n’y a rien de nouveau, ajoutant ensuite qu’il y aurait même des contradictions et des allégations non fondées.
Cette thèse est contestée par le rapport rendu public ce mercredi 19 juin. Il préconise aussi au secrétaire général de l’ONU de mener une enquête « approfondie » sur le rôle du prince héritier Mohammed ben Salman et aussi de son conseiller Saoud Al Qahtani.
Cette affaire avait jeté le trouble sur la relation entre l’Arabie saoudite et ses alliés. Aujourd’hui, c’est de nouveau au sommet du pouvoir saoudien que se tournent les regards.
Mais d’après Vincent Michelot, professeur d’histoire politique des États-Unis à Sciences Po Lyon, l’administration Trump ne devrait pourtant pas changer de position sur cette affaire :
« Il a rejeté totalement les conclusions de ses services de renseignement dont la CIA. Il a écarté des critiques qui lui étaient adressés par la Chambre des représentants et le Sénat américain sur cette question. Donc que l’ONU en appelle à une enquête plus approfondie, ce n’est pas quelque chose qui risque de le faire changer de position. En matière de politique étrangère, le Congrès peut demander des enquêtes mais in fine, c’est le président qui décide. »
Il n’y a aucun doute pour moi, la responsabilité de l’État d’Arabie saoudite est engagée à la fois dans l’exécution du crime et dans les étapes qui ont suivi l’exécution du crime, dont l’enquête menée par les autorités