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Le Sénégal Fait Son Entrée sur le Marché Pétrolier Mondial avec l’Exportation de Ses Premières Cargaisons de Brut

Le Sénégal a franchi une étape majeure dans l’industrie pétrolière mondiale en exportant ses deux premières cargaisons de brut du champ offshore de Sangomar. Cette opération marque un tournant crucial pour le pays, qui nourrissait l’ambition de raffiner localement son pétrole.

Les 997 000 barils extraits ont été vendus au groupe britannique Shell, à l’issue d’un appel d’offres très disputé. Contre toute attente, ces premières cargaisons ont été envoyées aux Pays-Bas et en Allemagne pour le raffinage, malgré l’existence de la Société africaine de raffinage (SAR), une raffinerie en service depuis 1961 à Mbao, près de Dakar.

Selon une source ministérielle citée par *Le Monde*, les premières cargaisons de pétrole contiennent souvent des impuretés qui compliquent leur traitement, ce qui a conduit le Sénégal à éviter les risques en ne conservant pas de brut pour sa propre raffinerie. Cependant, l’État assure que la SAR est techniquement capable de raffiner le pétrole de Sangomar.

Cette décision de vendre 100% de la production, au lieu de conserver les 20% dus au Sénégal selon le contrat avec l’opérateur australien Woodside, reflète une prudence face à une raffinerie vieillissante. Mamadou Abib Diop, le nouveau directeur général de la SAR, explique que la raffinerie attend des échantillons de brut pour ajuster ses procédés en fonction des spécificités du pétrole de Sangomar.

En 2020, un projet de rénovation a été lancé pour augmenter la capacité de raffinage de la SAR de 1,2 à 1,5 million de tonnes par an, pour un coût de 81 millions d’euros. Toutefois, cette capacité reste insuffisante face aux 5,3 millions de tonnes que pourrait produire le champ de Sangomar chaque année. Le projet « SAR 2.0 » prévoit d’atteindre 5 millions de tonnes d’ici 2030, afin de satisfaire la demande locale et d’exporter dans la région.

Mamadou Touré, expert en régulation pétrolière, souligne que le Sénégal doit rattraper des décennies de retard en matière d’investissements et de modernisation, engendrant des coûts importants. Le raffinage local est également crucial pour la souveraineté énergétique du pays. Raffiner sur place permettrait des économies d’échelle et le développement d’une industrie pétrochimique, avec la production de fioul pour la société nationale d’électricité, un enjeu majeur face aux coupures électriques récurrentes.

L’assainissement de la trésorerie de la SAR reste un défi de taille. Des cargos transportant du brut importé ont récemment été bloqués au large de Dakar en raison de dettes impayées. Le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a pris des mesures pour régler ces problèmes et assurer le réapprovisionnement de la SAR, évitant ainsi des pénuries.

Le chemin reste long pour que le Sénégal maîtrise pleinement son secteur pétrolier, avec des défis industriels, financiers et de souveraineté énergétique à surmonter.

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