Le bruit du troisième convive, voila ce qui met mal à l’aise certaines femmes et hommes, surtout quand elles sont en intimité. Au point que l’une ou l’autre est tenté de tirer le cou pour voir le nom ou le numéro qui s’affiche, sinon lire quelques phrases du message reçu. A défaut, l’homme ou la femme se met tout simplement à fouiller dans le téléphone du conjoint, à son insu. Une pratique qui termine le plus souvent par une dispute pouvant aller jusqu’au divorce.
Salimata Samb, mariée et mère d’un garçon de 3 ans, avoue avoir vérifié le téléphone portable de son mari dès le début de son mariage, parce qu’elle avait des doutes. « Oui, j’ai une fois vérifié le téléphone portable de mon mari, mais cela dès le début de notre mariage. Si j’ai osé le faire, c’est parce que j’avais des doutes. Et, quand j’ai vérifié, j’ai eu la confirmation que mon mari était en train de faire la court à une autre fille », explique-t-elle à PressAfrik.
Poursuivant, la dame ajoute : « J’étais sur les nerfs, mais j’ai su me maîtriser. J’ai appelé tranquillement mon mari pour lui demander des explications. Il a tenté de nier les faits, mais à fini d’avouer son infidélité avant de me présenter ses excuses. Depuis lors, je ne touche plus à son téléphone et lui idem. C’est une règle que nous avons établie ».
Cette mauvaise expérience de Mme Aidara fait qu’elle a décidé de ne plus fouiller dans le téléphone de son mari. En plus, elle invite ses sœurs à faire pareil. « Il faut laisser le téléphone portable de ton partenaire pour être en paix et se concentrer sur le mariage au risque de créer tout le temps des problèmes et surtout avec l’avènement des nouvelles technologies, WhatsApp et autres, c’est le comble ».
« Dimanche je suis allé ramener l’épouse de mon copain qui avait quitté le domicile conjugal à cause du téléphone portable »
En réalité, ce ne sont pas seulement les femmes qui s’adonnent à cette pratique. Certains hommes sont doués en la matière, mais cet homme, rencontré à quelques encablures du rond-point Liberté 6 (Dakar), nie et accuse les femmes d’être les seules à fouiller les téléphones de leur mari. Non sans donner une anecdote.
« Dimanche, je suis allé chercher la femme de mon copain chez ses parents. Elle avait quitté son domicile conjugal suite à une rude dispute avec son mari à cause des messages qu’elle a vu dans son téléphone portable », raconte notre interlocuteur. Il ajoute « son mari, qui est un de mes proches, m’a juré que l’auteur du message est une fille qui le harcèle ».
Certains hommes interrogés sont catégoriques sur la question. Selon eux, le téléphone portable est privé et ne doit pas être fouillé. Ils sont d’avis que « cette fusion des deux vies » ne se limite que sur les papiers. M. Faye, la quarantaine, dit n’avoir « jamais regardé » le téléphone portable de sa femme. Il soutient que même si lui et son épouse ne se voient que tous les 15 jours, à cause de la distance qui les sépare, la confiance s’est bien installée.
Toute personne peut être poursuivie pour violation de l’intimité
Pour les juristes dont Abdoulaye Santos Ndao, à partir du moment où le portable contient des données à caractère personnelle, toute personne peut être poursuivie pour violation de l’intimité. Selon Me Ndao, le Sénégal a adopté une loi en 2009 sur la protection des données à caractère personnel.
« À partir du moment où le téléphone contient des données personnelles, des numéros appartenant à d’autres personnes, des noms, le fait d’y accéder alors que ce n’est pas son propre téléphone, c’est une violation de l’intimité. Maintenant, une personne peut poursuivre pénalement une autre personne en se référant sur la loi de 2009 sur les données personnelles », a expliqué Me Abdoulaye Santos Ndao, joint par PressAfrik.
« Si c’est entre conjoints, je pense que l’aspect la plus indiqué, c’est de verrouiller son téléphone en y mettant un code ou une reconnaissance faciale », conseille-t-il.
A l’origine du fléau, des doutes, des suspicions, des jalousies débordées
Le sociologue Moustapha Wane semble comprendre ce qui est à l’origine de ces conflits conjugaux. « Le portable peut être un point de discorde, parce qu’il peut arriver qu’on appelle quelqu’un et qu’on n’arrive pas à le joindre, et quand on ne le joint pas, on se pose une multitude de questions : qu’est-ce qu’il est en train de faire, est-ce qu’il n’est pas avec quelqu’un ? Pourquoi il ne veut pas me répondre ? Pourquoi il ne veut pas me prendre ? » Donc, le portable est à l’origine des suspicions, des soupçons. C’est des femmes ou des hommes qui sont hyper-jaloux qui veulent tout contrôler jusqu’à la moindre communication de leur conjoint ».
M. Wone est d’avis qu’il n’y a pas de conseil à donner, car « tout dépend de quel type de couple dont il s’agit ». « Si vraiment, on sait que le portable peut être un outil de discorde pour X raisons, il faut que l’on communique chaque fois de manière très, très transparente avec son conjoint pour éviter certaines choses », conclut-il.
Toutefois, il sera difficile voire impossible de sortir le « troisième convive » des couples sénégalais. Les résultats de l’EDS-Continues 2016 publiés par l’ANSD, montrent que le bien qui vient en tête est le téléphone portable dans les familles sénégalaises. Le téléphone portable s’impose comme le bien le plus possédé par les ménages. En effet, 97,7% des ménages urbains et 89,9% de ceux ruraux en ont, au niveau national 94,1% en disposent. La radio arrive seulement en deuxième position avec 94,1% des ménages sénégalais.
Selon le rapport de l’Ansd de 2013, il convient de souligner que les régions de Dakar, Ziguinchor, Saint-Louis et Matam ont enregistrées les proportions les plus élevées de divorcées qui excèdent 3% (respectivement 6,6%, 3,5%, 3,4% et 3,4%). Dakar demeure ainsi la région ayant la plus forte proportion d’individus divorcés, quel que soit le sexe.
Avec Pressafrik