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Les perspectives de report de la présidentielle et de la tenue d’un Dialogue National si Macky y tient encore après la sèche décision du Conseil constitutionnel.

La crise politique au Sénégal, qui a éclaté après le report de l’élection présidentielle prévue en février 2024, semble s’enliser sans perspective de sortie. Les principaux acteurs de l’opposition, regroupés au sein du Front de résistance nationale (FRN), exigent le retour au calendrier électoral initial et le respect des règles de transparence et d’équité. Le pouvoir, de son côté, invoque des raisons sécuritaires, de transparence et d’inclusion pour justifier le report du scrutin, et accuse l’opposition de vouloir semer le chaos et la violence. Le dialogue entre les deux camps est rompu, et la tension monte dans la rue, où des manifestations sporadiques ont déjà fait plusieurs blessés et de pertes en vies humaines.

Face à cette situation, la communauté internationale, notamment l’Union africaine et les Nations unies, appellent au calme et au respect du calendrier électoral pendant que le Président Macky Sall appelle les parties prenantes à un nième dialogue national.

Mais, aujourd’hui, la donne a totalement changé avec la décision du Conseil constitutionnel en date du 15 février 2024 annulant, non seulement, le décret du Président en date du 03 février 2024 pris pour abroger à la même date celui du 26 novembre 2023 convoquant le collège électoral le 25 février 2024, mais en sus, rejetant la loi  adoptée par le l’Assemblée Nationale  dans la nuit du 5 au 6 février 2024 qui prévoyait de reporter l’élection présidentielle au 15 décembre 2024.

C’est dans ce contexte que réellement intervient la supposée crise institutionnelle à laquelle Macky Sall faisait allusion et sur laquelle il avait bâti l’argument de l’abrogation de son fameux décret. Ce dernier est devenu très vite viral en ce sens qu’il était considéré, toute chose égale par ailleurs, comme n’étant rien de moins qu’un coup d’état constitutionnel perpétré par un homme qui paraissait le plus démocrate aux yeux de l’opinion internationale dans un contexte sous régional marqué par des coups d’état militaires que lui-même fustigeait lors des grands rendez-vous des nations ancrées dans la culture républicaine et démocratique.

Cette situation a d’emblée comme effet immédiat la remise en question de la pertinence d’un dialogue national auquel Macky ne ménageait aucun effort pour qu’il se tienne au point même d’être en phase d’avec une possible loi d’amnistie en faveur des détenus politiques sur lesquels pèsent des chefs d’accusation de terrorisme entre autres portés à leur encontre par le procureur de la République.  Cette loi qui suscite d’ailleurs des oppositions au sein d’une partie de la classe politique précisément chez certains partisans de l’APR et de la société civile, me semble une aberration notoire si l’on sait que les faits même dont ils sont accusés ne font pas encore objet de jugement définitif. Autrement dit, ils ne sont pas coupables pour être amnistiés. Il suffisait juste que le procureur accusateur reconsidère les fallacieuses accusations contre eux ou bien que le juge d’instruction donne un non lieu qui ne permettra pas la tenue d’un procès et de facto signifierait la libération de Ousmane Sonko telle souhaitée par le peuple.

En effet, l’impertinence d’une loi d’amnistie tient du fait que l’amnistie permet, étiologiquement, d’effacer les faits de condamnations pénales de personnes impliquées dans des actes de violence politique pendant une période donnée. Elle vise à favoriser la réconciliation nationale après une période de forte polarisation et de tensions sociales.

Mais, dans le cas présent, aucun des détenus politiques ne fait pas encore objet de condamnation. C’est au cas échéant que la critique et le refus des uns auraient un sens en ce sens que cette loi pourrait entraver la justice, la vérité historique et favoriser l’impunité dont auraient bénéficié ces auteurs condamnés pour des faits d’attentats terroristes.

Mais que devrait alors faire Macky Sall pour que le report ainsi que le dialogue aient lieu ? Quelle posture devrait-il adopter susceptible de le sortir de cet imbroglio politique à défaut d’organiser la présidentielle conformément aux dernières directives du conseil constitutionnel qui n’a pas fixé de date ?  Avant de développer les perspectives qui s’offrent à Macky pour sauver son dialogue, il faudrait qu’on comprenne la raison pour laquelle le Conseil Constitutionnel n’a pas fixé de date comme beaucoup s’y attendaient.

La raison est toute simple. Cela ne relève pas de ses prérogatives constitutionnelles des juges constitutionnels en temps normal. En effet, que ce soit fixer la date des élections et ou convoquer le collège électoral, il n’y a que le Président de la République qui peut le faire conformément à la constitution. C’est à lui de prendre une date comme la prévoit la constitution par décret seulement pendant le cours légale de son pendant.

C’est ce que le Conseil Constitutionnel a bien compris sinon, autrement, il serait dans l’illégalité constitutionnelle en commettant une grosse erreur par le fait d’une quelconque date en place et lieu du Président de la République dont le mandat n’est pas encore arrivé à terme. Une telle décision pourrait en revanche être attaquée. Alors il faut y comprendre que le délais jugé meilleur pour la tenue de l’élection présidentielle par les autorités compétentes ne saurait être pris au-delà de la durée du mandat en cours. Autrement dit, les élections doivent  impérativement être tenues (premier et deuxième tour) avant le 02 avril 2024, date à laquelle le président n’est plus légitime pour diriger ce pays. Néanmoins, dans l’esprit d’un report, il n’y a que deux possibilités pour que l’élection présidentielle puisse se tenir au-delà du 02 avril 2024 et le dialogue se concrétise.

C’est dans ces deux cas seulement que Macky Sall pourrait espérer faire reporter la présidentielle au-delà de la fin de son mandat.

Mais si Macky cherche encore à jouer au plus fin jusqu’à l’expiration de son mandat, notamment le 02 avril, sans avoir reconvoqué le corps électoral conformément à la décision du Conseil constitutionnel, alors, là le Président de l’Assemblée ne saurait pas le remplacer parce qu’aucune disposition constitutionnelle ne prévoit pas encore ce cas si je ne m’abuse. Car, naturellement à terme de son mandat dans les conditions normales, il était  censé  faire la passation avec son nouveau successeur, lequel, dans le cas présent, n’existerait pas encore. D’où l’intérêt de démissionner avant la date échue s’il tient encore à son honneur tout comme à son report.

Au cas échéant, alors le dialogue pourrait être envisagé derechef et pour qu’il soit fructueux et sincère, il faudrait que les parties prenantes acceptent de faire des concessions et de renoncer à la logique de l’affrontement et de suspicion. Il faudrait aussi que la société civile sénégalaise, qui joue traditionnellement un rôle de médiation et de régulation, soit associée au processus de sortie de crise. Enfin, il faudrait que les citoyens sénégalais, qui aspirent à la paix et à la démocratie, se mobilisent pour faire entendre leur voix et défendre leurs droits sans en être dissuadés.  Compte tenu de ces faits, il conviendrait de souligner les cinq points susceptibles de faire le consensus autour de ce dialogue. Ainsi, je les aborde de la façon suivante:

 

Telles me semble les seules voies de recours du Président Macky Sall pour rester dans sa logique de report et de Dialogue National après le couperet du Conseil constitutionnel qui le jette en pâture à toutes les critiques jusqu’au-delà nos frontières.

Dr Souleymane Lo, Sociologue, UCAD

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