Les dirigeants de l’Otan se sont déclarés lundi « préoccupés » par les ambitions déclarées de la Chine et par « la menace grandissante » représentée par le renforcement militaire de la Russie, lors de leur sommet annuel à Bruxelles.
L’Amérique est de retour, la diplomatie est de retour, les slogans de Joe Biden étaient exactement ce que voulaient entendre les 29 autres chefs d’État et de gouvernement de l’Otan, rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Ils se sont employés à donner des gages au président des États-Unis et dans leur déclaration finale ils ont en quelque sorte ajouté la Chine à la Russie comme adversaire de l’Otan.
« Les ambitions déclarées de la Chine et son comportement affirmé représentent des défis systémiques pour l’ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l’importance pour la sécurité de l’Alliance », ont-ils affirmé dans les conclusions adoptées à l’issue du sommet, se disant « préoccupés » par les « politiques coercitives » de Pékin.
Néanmoins, les dirigeants de l’Otan ne sont pas allé aussi loin que le souhaitaient les États-Unis. Les britanniques mais aussi les Allemands et la France ne veulent pas se laisser embarquer dans ce qu’ils jugent être une forme de guerre froide.
Il ne faut pas confondre les objectifs, a précisé le président français. L’OTAN est une organisation militaire. Le sujet de notre rapport à la Chine n’est pas que militaire. l’Otan est une organisation (…) qui concerne l’Atlantique nord. La Chine a peu à voir avec l’Atlantique nord, sauf incursions, lorsqu’il y en a. Et donc je pense qu’il est très important de ne pas nous disperser et de ne pas biaiser le rapport à la Chine. Il est beaucoup plus large que le sujet militaire. Il est économique, il est stratégique, il est de valeur, il est technologique. Et de ne pas divertir en quelque sorte l’OTAN, qui a déjà beaucoup de défis, lorsqu’on voit les sujets que nous avons à traiter, la question terroriste, l’architecture de sécurité avec la Russie, nos voisinages. Et je pense qu’il faut embrasser la relation avec la Chine d’une manière beaucoup plus large, comme nous l’avons d’ailleurs fait lors du G7.
Même si le terrain d’action de l’Alliance va déjà de la Bosnie jusqu’à l’Afghanistan qui a une frontière avec la Chine, il ne s’agit pas pour autant de l’étendre encore selon le secrétaire-général, Jens Stoltenberg, qui répondait en cela au scepticisme exprimé par Emmanuel Macron. Pour lui, la Chine menace des intérêts alliés sur leur territoire propre par exemple sur le plan économique ou par le biais de cyber-attaques et c’est sur leur propre terrain que les trente pays de l’Otan doivent faire face à la Chine.
C’est une formule qui reflète des préoccupations partagées à la fois à Washington et en Europe au sujet de l’influence croissante de la Chine…
Ils ont par ailleurs exprimé leur préoccupation face au « renforcement du dispositif militaire de la Russie et par ses activités provocatrices, notamment à proximité des frontières de l’Otan ». « Tant que la Russie ne montre pas qu’elle respecte le droit international et qu’elle honore ses obligations et responsabilités internationales, il ne peut y avoir de retour à la normale », ont-ils averti.
Nous faisons face à la crise sanitaire du siècle et en même temps les valeurs de la démocratie qui fondent notre alliance sont sous une pression croissante, en interne et en externe. La Russie et la Chine tentent d’enfoncer un coin dans notre solidarité transatlantique, on voit une augmentation des attaques informatiques, mais notre alliance repose sur des fondations solides sur lesquelles notre sécurité collective et notre prospérité peuvent continuer à se construire. Et j’ai pris soin de dire clairement que l’engagement des États-Unis vis-à-vis de l’article 5 de notre charte est solide comme du roc, et inébranlable. C’est un engagement sacré. L’Otan reste unie. C’est comme cela que nous avons fait face à d’autres menaces dans le passé. C’est notre plus grande force pour faire face aux défis du futur, et ils sont nombreux. Et tout le monde, tout le monde dans la salle aujourd’hui, a compris et a apprécié que l’Amérique soit de retour.
Le président américain Joe Biden, qui participait lundi à son premier sommet de l’Otan après son élection, doit rencontrer mercredi le président Vladimir Poutine à Genève, dernière étape d’un périple en Europe pour un sommet du G7 au Royaume-Uni, suivi par le sommet de l’Otan et un sommet avec les présidents des institutions de l’UE mardi à Bruxelles.
Dans notre époque de compétition mondiale, l’Europe et l’Amérique du Nord doivent rester forts et unis au sein de l’Otan, spécialement à un moment ou des régimes autoritaires comme la Russie et la Chine défient l’ordre international basé sur le droit. Notre relation avec la Russie est au point le plus bas depuis la Guerre froide et les actions agressives de Moscou affectent notre sécurité ; nous garderons une position défensive forte tout en restant prêts au dialogue. L’influence grandissante et la politique internationale de la Chine sont des défis pour la sécurité de l’Otan. Les alliés s’accordent pour dire que nous devons affronter ces défis ensemble. Et que nous devons parler avec la Chine pour défendre nos intérêts sécuritaires.
Les alliés ont lancé la révision du concept stratégique de l’Alliance adopté en 2010 pour la préparer à faire face aux nouvelles menaces dans l’espace et le cyber-espace.
Je dirai clairement au président Poutine qu’il y a des secteurs où nous pouvons coopérer s’il le choisit. S’il refuse de coopérer et agit comme il l’a fait par le passé en matière de cybersécurité ou par d’autres activités, nous répondrons, et nous répondrons de la manière appropriée. Dans les domaines où ne nous sommes pas d’accord, je dirai clairement où sont les lignes rouges. Je l’ai rencontré, il est brillant, il est coriace. La mort de Navalny serait une autre indication que la Russie n’a peu ou pas du tout l’intention de respecter les droits de l’homme les plus basiques et les plus fondamentaux. Ce serait une tragédie. Cela ne ferait qu’abimer sa relation avec le reste du monde à mon avis, et avec moi.
Soutenir l’Afghanistan
Ils se sont également engagés à soutenir l’Afghanistan après le retrait des derniers soldats de la mission de formation de l’Otan. « Consciente que l’aéroport international Hamid Karzaï est important pour qu’une présence diplomatique et internationale soit maintenue et pour que l’Afghanistan soit relié au reste du monde, l’Otan fournira un financement transitoire de manière à assurer la continuité des activités de cet aéroport », ont-ils promis.
La Turquie s’est déclarée prête à assumer la sécurité de l’aéroport de Kaboul, indispensable au maintien d’une présence occidentale en Afghanistan. Le président Recep Tayyip Erdogan a discuté des conditions de cette offre lors de ses entretiens bilatéraux avec le président Biden et avec le président français Emmanuel Macron.
Défense européenne
Dans le domaine de la défense européenne, « l’Otan reconnaît l’importance d’une défense européenne plus forte et plus performante. Le développement de capacités de défense cohérentes, complémentaires et interopérables, en évitant les doubles emplois inutiles, est essentiel dans nos efforts conjoints pour rendre la zone euro-atlantique plus sûre ». Mais « l’Otan reste le cadre transatlantique d’une défense collective forte et le forum essentiel pour les consultations et les décisions de sécurité entre Alliés ».
Avec Rfi