Selon Me Amath Thiam consultant en droit pénal, « dans la rigueur des principes, le candidat Diomaye devrait battre campagne comme les autres à partir du 3 février prochain, date du démarrage officiel de cette campagne. Le consultant en droit pénal tout en faisant remarquer cependant qu’il n’existe « aucune disposition légale ou réglementaire dans notre droit positif qui résout de manière explicite la problématique d’un candidat à l’élection présidentielle qui est sous mandat de dépôt », a indiqué que c’est aux avocats du candidat de mener au niveau du Juge d’instruction et du Parquet la bataille de sa mise en liberté provisoire.
Autorisé par le Conseil constitutionnel à participer au scrutin présidentiel du 25 février prochain, la situation de Bassirou Diomaye Faye est un véritable cas d’école dans cette élection qui se profile. En effet, placé en détention préventive depuis le 18 avril 2023 dernier, quel sera le sort du Secrétaire général du parti Pastef dissout par décret présidentiel du 31 juillet dernier par rapport à la campagne électorale qui va démarrer le 3 février prochain ? Interpellé par Sud Quotidien, Me Amath Thiam consultant en droit pénal fait état d’un vide juridique sur cette question. « Au Sénégal, à l’exception des individus frappés d’incapacité ou faisant l’objet d’une condamnation pénale devenue définitive, tous les citoyens, détenus ou en liberté, jouissent du droit de vote conformément à l’article 8 de la Constitution. Cependant, la mise en œuvre de cette disposition demeure actuellement inopérante sous la compétence des autorités en charge de son organisation. Il est à noter qu’aucune disposition légale ou réglementaire au sein de notre corpus juridique ne traite explicitement de la problématique d’un individu en détention provisoire se présentant comme candidat à l’élection présidentielle. En revanche, la Constitution de l’Afrique du Sud, après l’apartheid, garantit constitutionnellement le droit de vote des détenus ».
Partant de ce fait, Me Thiam souligne que le Conseil Constitutionnel, « en tant que juridiction de droit et politique de surcroit le dernier rempart contre l’illégalité et l’injustice du processus électoral », devait aller au bout de sa logique en « se substituant au législateur et prescrire formellement les modifications requises ». « Le Conseil Constitutionnel pourrait en notre sens, remédier à ce vide juridique en recourant à son pouvoir d’interprétation moderne, à l’instar de son homologue au Bénin. Il pourrait ainsi créer une norme visant à apporter une solution ultérieure à la situation carcérale d’un détenu provisoire se présentant comme candidat à une élection présidentielle. Face à la progression du mouvement démocratique dans les années 1990 et la montée en flèche indienne des exigences citoyennes, le Conseil Constitutionnel se voit contraint d’imposer son interprétation, se substituant à celle du législateur et prescrivant formellement les modifications requises », a-t-il indiqué. Avant de faire remarquer : « Si le Conseil Constitutionnel tient son candidat, le Procureur de la République et le juge d’Instruction tiennent un prévenu-candidat à qui, le Conseil a refilé la question préalable aux fins d’y statuer sur l’opportunité de sa détention à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale. En s’abstenant de trancher cette question juridique inédite dans l’histoire d’une élection présidentielle, il nous semble qu’en l’espèce, le juge Constitutionnel entend se conformer à sa Décision N° 2-C-2021 ; Affaire N° 2-C-21 Séance du 20 juillet 2021 « 34. Considérant que lorsqu’un droit ou une liberté est en concurrence avec une autre règle d’égale valeur, leur conciliation ne peut se faire que de manière à préserver l’intérêt général et l’ordre public qui sont des objectifs de valeur constitutionnelle ».
Poursuivant son éclairage, Me Amath Thiam a indiqué que la détention de Diomaye Faye pourrait potentiellement entraver sa participation active à la campagne électorale, suscitant ainsi des interrogations quant à l’équité et à la justice du processus ». Sous ce rapport, il n’a pas manqué d’interpeler la CENA sur cette question. « Conformément à la Constitution et à l’article 5, alinéa 2 du Code électoral, la CENA est tenue de veiller à l’observation stricte de la loi électorale afin de garantir la régularité, la transparence et la sincérité des scrutins, assurant ainsi aux électeurs et aux candidats l’exercice libre de leurs droits. La jurisprudence du candidat M. Khalifa Sall lors des élections législatives de 2017, demeurant détenu tout au long de la campagne, met en lumière les défis inhérents à la détention provisoire. Bien que chaque élection soit unique dans son organisation et les lois qui la régissent, la détention provisoire demeure le point commun entre ces deux affaires », a-t-il fait remarquer tout en balisant le chemin aux avocats de Diomaye qui dit-il, doivent saisir ce nouveau développement de la situation de leur client pour demander sa mise en liberté provisoire.
« À présent que le Conseil Constitutionnel a officiellement validé la candidature de M. Diomaye Faye, ses avocats pourraient en bon droit solliciter sa remise en liberté provisoire s’il est déjà entendu dans le fond. En cas de rejet ou refus du Parquet, ils peuvent interjeter appel devant la Chambre d’accusation, et éventuellement en cas de refus de ladite Chambre, se pourvoir en cassation devant la Chambre Criminelle de la Cour Suprême. Il convient de souligner, selon la Loi organique 2016 sur le Conseil Constitutionnel, que ce dernier excepté le contrôle de la constitutionalité des Lois, n’a pas compétence pour statuer sur des affaires relevant du droit pénal et de la procédure pénale. Cette décision historique du Conseil Constitutionnel ne peut pas manquer d’observations à bien des égards au sein des professionnels du droit, des politiques ainsi que leurs militants et de la société civile ».