Le gouvernement libyen d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU et établi à Tripoli, a qualifié de «déclaration de guerre» les menaces de l’Egypte d’intervenir militairement dans le conflit libyen dans le cas où les forces qui lui sont alliées décideraient de lancer une offensive pour reprendre les villes de Syrte et d’Al Joffra. «C’est un acte hostile et une ingérence flagrante qui est l’équivalent d’une déclaration de guerre», a dénoncé le GNA dans un communiqué rendu public dimanche soir.
Le président égyptien, Abdelfattah Al Sissi, a effectivement prévenu samedi que toute avancée des forces pro-GNA vers Syrte pourrait entraîner une intervention «directe» du Caire. Il a indiqué que ces deux villes représentaient pour l’Egypte une «ligne rouge». «Si cette ligne est franchie, la sécurité de l’Egypte nécessitera une intervention directe des forces égyptiennes dans le pays», a-t-il poursuivi.
Le GNA a rétorqué que «la Libye toute entière est une ligne rouge». «Quel que soit le différend qui oppose les Libyens, nous ne permettrons pas à notre peuple d’être insulté ou menacé», a indiqué l’institution présidée par Fayez Al Sarraj. Le GNA a fait savoir en outre que «l’ingérence dans les affaires internes de l’Etat libyen et l’atteinte à sa souveraineté, que ce soit par des déclarations (…), comme celles du président égyptien, ou par l’appui aux putschistes (Khalifa Haftar, ndlr), aux milices et aux mercenaires, sont inacceptables».
Appelant la communauté internationale «à assumer ses responsabilités face à cette escalade», le GNA s’est néanmoins dit «favorable à toute médiation impartiale sous l’égide de l’ONU» et a rejeté «les initiatives unilatérales des hors-la-loi». Les autorités de Tripoli faisaient là allusion à l’initiative de sortie de crise proposée au début du mois de juin par l’Egypte.
La Turquie a rappelé samedi que l’instauration d’un cessez-le-feu durable en Libye passe par le retrait de la ville stratégique de Syrte des forces de Khalifa Haftar, rivales du GNA. «Un cessez-le-feu doit être viable, ce qui veut dire que l’autre partie, l’Armée nationale libyenne (ANL) de Haftar, ne doit plus se trouver dans une position lui permettant de lancer quand elle veut une nouvelle attaque contre le gouvernement légitime», a indiqué le porte-parole de la Présidence turque, Ibrahim Kalin. «A ce stade, le GNA estime, et nous le soutenons en cela, que toutes les parties doivent retourner à leurs positions de 2015 lorsque l’accord politique libyen de Skhirat (au Maroc) a été signé, ce qui veut dire que les forces de Haftar doivent se retirer de Syrte et d’Al Joufra», a-t-il ajouté.
Contrairement au GNA, le chef du Parlement basé dans l’Est, Aguila Salah Issa, a défendu quant à lui l’avertissement du président égyptien Abdelfattah Al Sissi, jugeant «nécessaire» une intervention de l’armée égyptienne «pour soutenir nos forces armées face au terrorisme et à l’invasion étrangère».
Dans le conflit en Libye qui dure depuis 5 années, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite et la Russie soutiennent les forces du maréchal dissident Khalifa Haftar dans leur tentative de s’emparer du pouvoir par les armes. Le GNA a néanmoins réussi, grâce à l’appui militaire de la Turquie, à déjouer la tentative de putsch et à reprendre le contrôle de toute la Tripolitaine, que l’ANL a occupée pendant de longs mois.
Ce succès a marqué l’échec de l’offensive lancée en avril 2019 par le maréchal Haftar pour s’emparer de Tripoli et renverser Fayez Al Sarraj. Les forces du GNA s’apprêtent désormais à lancer une offensive contre la ville de Syrte, qui représente un verrou stratégique vers les villes et les riches champs pétroliers de l’Est libyen.
Avec El Watan