CONFERENCE DE PRESSE HEBDOMADAIRE DE LA MINUSCA : Intervention du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République centrafricaine et Chef de la MINUSCA, Mankeur Ndiaye
Mesdames, messieurs les journalistes,
Auditrices et auditeurs de Guira FM,
C’est avec plaisir que je m’adresse à vous ce matin, pour échanger sur la résolution 2605 (2021) qui renouvelle le mandat de la MINUSCA jusqu’au 15 novembre 2022.
Le samedi 4 décembre 2021, j’ai eu le privilège de présenter cette résolution au Président de la République, S. E. Faustin Archange Touadéra, qui nous a fait l’honneur de nous recevoir au Palais de la Renaissance, moi et d’autres membres du leadership de la MINUSCA, pour une réunion de travail très fructueuse sur la situation politique et sécuritaire en République centrafricaine (RCA) et sur les processus politiques et de paix en cours.
À cette occasion, j’ai informé le Chef de l’État de mes entretiens durant ma mission en novembre dernier à New York avec des États membres de l’Organisation des Nations Unies, parmi lesquels quatre membres permanents du Conseil de sécurité, sur la MINUSCA et la situation en RCA. J’ai fait part au Président Touadéra de l’appui exprimé par tous mes interlocuteurs, sans exception, au mandat de la Mission et de leur soutien au peuple et au Gouvernement centrafricains.
Le Président s’est félicité du renouvellement du mandat de la MINUSCA et a souligné son soutien à la Mission. Je voudrais lui exprimer publiquement ma profonde reconnaissance et réitérer notre volonté de poursuivre nos efforts pour l’exécution du mandat en continuant de travailler en étroite coopération avec le Gouvernement, dans ce contexte de solidarité renouvelée de la communauté internationale envers la RCA.
La résolution 2605 reconduit les principales tâches prévues dans le mandat précédent de la MINUSCA. Au-delà de la protection des civils qui demeure au cœur de son mandat, le Conseil de sécurité a investi la Mission d’autres tâches prioritaires de bons offices et d’appui au processus de paix, y compris à la mise en œuvre du cessez-le-feu et de l’APPR, d’aide à l’acheminement immédiat, complet, en toute sécurité et sans entrave de l’aide humanitaire, tout en contribuant à atténuer les conséquences de la pandémie de COVID-19, ainsi que de la protection des biens et du personnel de la Mission.
Les autres tâches assignées portent sur :
– la promotion et la protection des droits humains ;
– l’appui au dialogue républicain et aux élections locales ;
– l’appui à l’extension de l’autorité de l’État, au déploiement des forces de sécurité et au maintien de l’intégrité territoriale ;
– la Réforme du secteur de la sécurité (RSS) ;
– le Désarmement, la démobilisation, la réintégration et le rapatriement (DDRR) y compris le cantonnement ; et
– l’action en faveur de la justice nationale et internationale, de la lutte contre l’impunité et de l’état de droit.
Les questions de genre et de protection de l’enfance seront bien entendu pleinement prises en compte dans le mandat. Parmi les nouvelles activités introduites dans le mandat figurent le soutien aux autorités centrafricaines à l’application et au suivi du cessez-le-feu déclaré par le Chef de l’État le 15 octobre 2021, à l’organisation d’un dialogue républicain pleinement inclusif, afin d’adresser les causes profondes du conflit de manière inclusive et d’entretenir un climat politique de confiance, ainsi que le combat contre la menace des engins explosifs. La Mission est déterminée à soutenir un dialogue inclusif et crédible pour les Centrafricains dans le cadre de son mandat.
Si la résolution 2605 offre à la MINUSCA les moyens de soutenir les autorités centrafricaines à faire face aux défis actuels et à venir de la RCA, elle permettra aussi à la Mission de consolider les acquis antérieurs, fruits d’un engagement total et impartial de son personnel et d’un investissement important tant dans ses zones de déploiement que dans d’autres parties du territoire centrafricain.
Nonobstant l’apparition de la pandémie de Covid-19 qui paralyse la planète entière depuis 2020, la Mission a pu s’adapter et n’a jamais interrompu l’exécution des tâches assignées par le Conseil de sécurité en appui aux autorités centrafricaines. Son mandat électoral d’appui sur les plans sécuritaire, opérationnel, logistique et technique a été crucial dans l’organisation des élections présidentielle et législatives de 2020-2021 en dépit d’un contexte sécuritaire complexe en raison de l’apparition et des attaques de la coalition de groupes armés. Le Président de la République l’a lui-même affirmé devant le Conseil de sécurité, le 18 octobre 2021, lors de la présentation du rapport du Secrétaire général sur la situation en RCA : « Notre posture militaire, la mise en œuvre effective du mandat de la MINUSCA et notre ouverture au dialogue restent la combinaison qui nous a permis d’exécuter le calendrier électoral », avait alors déclaré le Chef de l’État.
Sur le plan sécuritaire, la bravoure et la posture robuste des casques bleus de la Force et de la Police, dont sept sont tombés au front lors des attaques de la période post-électorale, ont permis de faire échec à l’inacceptable tentative de prise du pouvoir par la force par les rebelles et aux violences tant à Bangui qu’à Bossembélé, Bossangoa et sur l’axe Damara-Sibut notamment, parfois aux côtés des forces de défense et de sécurité centrafricaines.
Dans le cadre de la restauration de l’autorité de l’État, les efforts combinés de la MINUSCA, du Gouvernement et des partenaires ont contribué à la présence effective de l’État aux côtés de ses administrés, avec la présence en poste de 77 % des préfets, sous-préfets et Secrétaires généraux de préfectures à travers le pays ainsi que la mise en activité de 69 % des tribunaux de première instance et des cours d’appel.
L’appui de la MINUSCA lors du mandat précédent a également porté sur la création ou l’amélioration des conditions de travail des représentants de l’État avec le financement de 47 projets de construction ou de réhabilitation des sièges de préfectures, de sous-préfectures, de mairies, mais aussi des tribunaux, des prisons, des commissariats et des brigades, à hauteur de 802.434.778 francs CFA. Un total de 34 projets d’appui aux municipalités devrait démarrer sous peu pour un montant total de 612.621.900 francs CFA.
La mise en œuvre des tâches relatives à la Restauration de l’autorité de l’État et à la Réforme du secteur de la sécurité s’est notamment traduite par l’appui au recrutement et à la formation des 986 nouveaux membres des Forces de sécurité intérieure centrafricaines (FSI), à savoir 494 (dont 133 femmes) pour la Police et 492 (dont 132 femmes) pour la Gendarmerie. Désormais, la RCA dispose d’un effectif de 6 530 FSI recrutés, formés et déployés grâce au soutien de la Police de la MINUSCA, en coordination avec le Gouvernement et d’autres partenaires, notamment le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
La MINUSCA a soutenu la mise en œuvre du Programme national de DDRR aux plans stratégique, opérationnel, logistique et sécuritaire. À cela s’ajoutent des appuis budgétaires directs à la conduite des opérations, avec des fonds américains postés à la MINUSCA, et à la réinsertion des démobilisés, sur fonds propres des Nations Unies. Entre novembre 2020 et novembre 2021, ces appuis budgétaires des États-Unis et de l’ONU ont atteint 275.000.000 francs CFA. De même, la MINUSCA, en collaboration avec les autorités, la société civile et les communautés, a mis en œuvre le programme de réduction de la violence communautaire (CVR), touchant 3 672 bénéficiaires dont 1 529 femmes entre juin 2020 et juin 2021 à Bangui, Bouar, Bria, Kaga-Bandoro, Bangassou et Bossangoa. Pour 2021-2022, ce programme destiné aux personnes non éligibles au DDR, couvrira les six localités ainsi que Birao et Ndélé avec un financement estimé à 452.440.285 francs CFA.
Entre mars 2020 et aujourd’hui, le soutien de la MINUSCA notamment dans les infrastructures a atteint 43.460.206 dollars (environ 23.903.113.300 francs CFA) dont 3.812.095 dollars (2.096.652.250 francs CFA) d’investissements directs et 39.648.111 dollars (21.806.461.050 francs CFA) d’investissements indirects. Ces soutiens ont notamment permis aux autorités nationales de renforcer leur réponse à la pandémie de Covid-19, avec la réhabilitation de deux étages de l’Hôpital Universitaire et de l’ex-centre d’isolement Ebola à Bangui pour l’accueil et le traitement de patients atteints du virus. Ces fonds ont également permis, entre autres, de soutenir la SODECA dans l’installation de plusieurs pompes à eau dans différentes zones de Bangui et l’ENERCA avec des générateurs, de construire des bureaux de la Cour Constitutionnelle et de l’Autorité nationale des élections (ANE), de rénover des studios de Radio Centrafrique et de réparer la route entre l’Avenue Boganda et Castors, ainsi que le rond-point des Nations Unies. Le coût des travaux de ces deux routes est estimé à 184.912.000 francs CFA. La MINUSCA va poursuivre ces appuis.
L’adoption de ce nouveau mandat intervient dans un contexte de défis et d’opportunités majeures pour le processus de paix : la revitalisation de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA) à travers la feuille de route de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), le cessez-le-feu unilatéral déclaré le 15 octobre 2021, le dialogue républicain et les élections locales prévues pour septembre 2022.
Le peuple centrafricain dans sa diversité ainsi que les partenaires internationaux nourrissent tous l’espoir de voir le pays pleinement pacifié et d’assister à des élections locales crédibles et participatives, les premières depuis 1988, pour consolider le processus de démocratisation, renforcer l’État de droit et rendre plus effective la souveraineté de l’État sur l’ensemble du territoire national.
J’ai l’intime conviction que bâtir un projet commun porté par tous les segments de la population centrafricaine et partagé avec tous les partenaires régionaux et internationaux est plus que jamais nécessaire. En ma qualité de Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et Chef de la MINUSCA, je réaffirme notre volonté totale de poursuivre nos efforts dans l’exécution du nouveau mandat, sous le signe du dialogue interactif et de la coopération renforcée avec le Gouvernement et l’ensemble des acteurs et des partenaires, y compris avec nos collègues des agences des Nations Unies en RCA. C’est ensemble que les nombreux défis du pays seront relevés.
Sous mon leadership, la MINUSCA mettra en œuvre sa vision stratégique visant à créer les conditions politiques, sécuritaires et institutionnelles qui permettent d’engager une réconciliation nationale et d’instaurer une paix durable par la mise en œuvre de l’APPR et l’élimination de la menace que représentent les groupes armés en adoptant une approche globale et une posture proactive et robuste. À cet effet, le Conseil de sécurité a décidé à travers la résolution 2566 (2021), de renforcer les effectifs de la MINUSCA avec 3 690 casques bleus supplémentaires (2 750 pour la composante militaire et 940 pour la composante Police).
Dans le même temps, la MINUSCA maintiendra son appui aux autorités centrafricaines dans la création de conditions propices à la pleine mise en œuvre de l’APPR par le biais de la feuille de route. En effet, comme l’ont souligné les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, la lutte contre la présence et l’activité des groupes armés en RCA passe par « une stratégie globale qui privilégie le dialogue, conformément à l’APPR dans le cadre de la feuille de route, et l’application rapide d’un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration inclusif et efficace ».
Sous mon leadership, les personnels civils et en uniforme de la MINUSCA continueront de travailler avec dévouement, professionnalisme, impartialité et dans le strict respect des valeurs et principes des Nations Unies. La recherche de l’efficacité, notamment en matière de protection des populations civiles et sans préjudice de la responsabilité première des autorités centrafricaines, sera au centre de nos activités. Nous continuerons à apporter notre soutien aux autorités centrafricaines dans la protection des droits de l’homme ainsi que la promotion de la justice et la lutte contre l’impunité, sans lesquelles il ne peut avoir de véritable réconciliation.
Finalement, nous continuerons à engager les citoyens de la RCA, les parties au conflit, les acteurs régionaux et d’autres acteurs internationaux et les partenaires sur le terrain en vue de consolider les relations de confiance, afin d’exécuter pleinement notre mandat. C’est une manière de répondre aux attaques, provocations et incitations à la haine et à la violence ainsi qu’aux campagnes de désinformation qui ciblent la MINUSCA, et qui doivent être dénoncées et rejetées sans condition. J’insiste à cet endroit sur la responsabilité de toutes les parties en République centrafricaine et rappelle que le Conseil de Sécurité les exhorte, dans sa résolution 2605, à coopérer pleinement avec la MINUSCA dans le cadre de son déploiement et de ses activités, notamment en assurant sa sûreté, sa sécurité et sa liberté de circulation, avec accès immédiat et sans entrave à tout le territoire de la République centrafricaine, pour lui permettre de s’acquitter de l’intégralité de son mandat dans un environnement complexe.
La résolution 2605 souligne clairement que « L’exécution effective des mandats de maintien de la paix relève de la responsabilité de toutes les parties prenantes et qu’elle dépend de plusieurs facteurs essentiels (…) ». Il s’agit donc d’une responsabilité collective qui concerne, au premier plan, les autorités centrafricaines notamment dans leurs efforts pour promouvoir une paix et une stabilité durables et lutter contre la présence et l’activité des groupes armés notamment par une appropriation nationale renforcée de l’APPR et sa bonne mise en œuvre ainsi que par la réforme du secteur de la sécurité. La résolution 2605 demande également aux autorités centrafricaines de mener d’urgence une entreprise de réconciliation véritablement inclusive dans le pays et de prendre des mesures en faveur, entre autres, de l’amélioration de la situation sécuritaire, du respect des droits de l’homme, de la justice et de la lutte contre l’impunité ainsi que pour le redressement économique du pays.
De leur côté, les groupes armés sont enjoints d’adhérer au DDRR, de mettre fin à toutes formes de violences contre les populations civiles, les forces de défense et de sécurité et les casques bleus, de s’abstenir d’empêcher l’action des humanitaires, d’observer le cessez-le-feu, de mettre pleinement en œuvre l’APPR de bonne foi et sans délai, et de régler leurs différends par des voies pacifiques notamment au moyen des mécanismes de suivi et de règlement des différends prévus dans l’Accord. À cet effet, je condamne fermement les récentes attaques du 3R et de l’UPC contre les populations civiles dans certaines localités et les appelle à y mettre fin immédiatement. J’appelle également l’UPC à revenir dans l’Accord de paix, seule voie pour une paix définitive en RCA.
Concernant les partenaires, la résolution 2605 demande aux États voisins, aux organisations régionales et à tous les partenaires internationaux d’apporter leur appui au processus de paix, y compris à la mise en œuvre de l’APPR par le biais de la feuille de route, de manière cohérente et coordonnée, avec les bons offices de la MINUSCA. Les autorités centrafricaines et celles des pays voisins sont notamment invités à « coopérer (…) en vue d’enquêter sur les réseaux criminels et les groupes armés transnationaux impliqués dans le trafic d’armes et l’exploitation illicite des ressources naturelles et de les combattre » et à reprendre les travaux de leurs commissions mixtes bilatérales.
La réponse aux nombreux défis de la RCA exige la contribution de tous, les Centrafricaines et les Centrafricains en premier avec l’appui de la communauté internationale. C’est ensemble que les nombreux défis du pays seront relevés.
Mesdames, messieurs les journalistes, voici les grandes lignes de la résolution 2605 et du mandat de la MINUSCA que je tenais à partager avec vous. Je me tiens à votre disposition pour vos questions.
Je vous remercie.