Un second tour imprévisible s’annonce en Tunisie entre le juriste ultraconversateur Kaïs Saïed et l’homme d’affaires Nabil Karoui, emprisonné pour blanchiment d’argent. Selon les chiffres officiels, le premier obtient 18,4 % des voix, le second 15,5 %. Les tractations de l’entre-deux-tours s’annoncent compliquées. Les alliances risquent d’être aussi brouillées par les législatives du 6 octobre qui pourraient venir s’intercaler entre le premier et le second tour, dont la date n’a pas encore été fixée.
En Tunisie, la position des poids lourds battus le 15 septembre lors du premier tour de la présidentielle est très attendue. Notamment celle du parti islamiste Ennahda dont le candidat arrive en troisième position. Son modèle sociétal s’approche de celui de Kaïs Saïed, mais son projet institutionnel beaucoup moins.
De leur côté, les modernistes, notamment ceux qui ont gravité autour du défunt président Béji Caïd Essebsi pourraient être attirés par Nabil Karoui, issu du même cercle et du même système. Mais pour l’heure, aucun ne s’est prononcé.
Un vrai dilemme s’annonce pour les partis et les candidats malheureux. Kaïs Saïed part favori avec la première place mais n’a pas de structure politique. Il n’a par ailleurs pas présenté de liste aux législatives. S’allier à lui est donc potentiellement risqué pour un parti comme Ennahda qui cherche une majorité au Parlement.
Nabil Karoui, lui, s’est donné les moyens de peser à l’Assemblée en présentant de nombreuses listes. Mais le rallier signifie s’engager aux côtés d’une personnalité qui n’a pas bonne réputation et dont la candidature pose de multiples questions juridiques, ce qui n’est pas anodin en termes d’image politique.
Pour l’observatoire politique Al Bawsala, la plupart des candidats vont opter pour la prudence et attendre les résultats des législatives pour faire leur choix. La tonalité de la campagne du second tour pourrait aussi influencer certains leaders politiques.
Les législatives compliquent la donne
Pour l’heure, seuls deux candidats malheureux se sont positionnés. Mohamed Lotfi Mraihi et Seifeddine Makhlouf, qui ensemble comptabilisent un peu plus de 10% des votants, ont rallié Kaïs Saied qui a aussi reçu le soutien de l’ancien président Moncef Marzouki. Quant à Nabil Karoui, on attend de voir s’il aura l’appui de la « famille » démocrate profondément divisée dont il est issu. Avec un taux de participation à 49%, les jeux restent encore très ouverts.
Les candidats à la présidentielle ont deux jours pour déposer d’éventuels recours devant le tribunal administratif. Puis, après avoir étudié ces requêtes, l’ISIE, l’instance en charge des élections, déterminera la date du second tour. Comme l’explique Farouk Bouasker, le vice-président de l’ISIE, « il y a trois dates possibles, le 29 septembre, le 6 octobre ou le 13 octobre, mais nous ne pouvons décider cette date qu’après l’extinction de tous les recours contre les résultats préliminaires déclarés aujourd’hui ».
Sur le plan logistique, l’ISIE estime être en mesure, le cas échéant, d’organiser deux élections en même temps. Le calendrier électoral est donc chargé car la campagne pour les législatives a démarré depuis le 14 septembre. Et certains candidats malheureux à la présidentielle sont également en lice pour ce second scrutin.
Entre-temps, il faudra déterminer le statut de Nabil Karoui et savoir s’il pourra participer au débat télévisé avec Kaïs Saïed ou donner des interviews aux médias. L’ISIE va demander aux services judicaires de lui permettre de participer à la campagne pour le second tour. Cette instance considère que Karoui est présumé innocent. Tant qu’il n’a pas été condamné par la justice, il reste candidat.