Nommé ministre de l’Education nationale en remplacement de Jean-Michel Blanquer, cet historien, spécialiste de l’histoire sociale des Etats-Unis et des minorités, avait été nommé en 2021 à la tête du Musée national de l’Histoire de l’Immigration, à Paris.
C’est l’une des réelles surprises du gouvernement d’Elisabeth Borne dévoilé vendredi 20 mai : Pap Ndiaye a été nommé ministre de l’Education nationale en remplacement de Jean-Michel Blanquer. Peu connu du grand public, ce normalien s’est récemment fait connaître lors de sa nomination au Musée national de l’Histoire de l’Immigration. Professeur pendant de nombreuses années à Sciences-Po Paris, il est apprécié de ses pairs et fait figure de « pointure » sur les questions liées aux minorités.
Frère de Marie Ndiaye, écrivaine prix Goncourt
Né le 25 octobre 1965 à Antony (Hauts-de-Seine) de père sénégalais et de mère française, Pap Ndiaye est le frère de l’écrivaine Marie Ndiaye, prix Goncourt en 2009. Il a été fait chevalier de la Légion d’honneur en janvier 2021.
Spécialiste des minorités
Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d’histoire et titulaire d’un doctorat obtenu à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS), Pap Ndiaye a étudié aux Etats-Unis de 1991 à 1996 et s’est fait connaître du grand public en publiant en 2008 « la Condition noire. Essai sur une minorité française », son ouvrage de référence.
En 2019, toujours avec l’envie de vulgariser ses sujets d’étude, il devient conseiller scientifique de l’exposition « le Modèle noir », au Musée d’Orsay à Paris, sur la représentation des Noirs dans les arts visuels. Plus récemment, il a coprésenté en 2020 un rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris.
Directeur du Musée de l’immigration
Nommé à la tête du Musée national français de l’Histoire de l’Immigration en mars 2021, il déclarait alors que sa nomination était un symbole pour les jeunes « non-blancs », même si elle était « d’abord due » à son travail d’historien et à sa « longue carrière d’universitaire ». « Je m’assume tel quel avec ma couleur de peau », ajoutait-il.
Pap Ndiaye s’y voit en pacificateur en faisant « un musée pour tout le monde », avec de grandes expositions populaires sur les immigrés, la colonisation, l’environnement. « J’ai un rôle civique à jouer, assure-t-il au “Monde” en juin 2021. Il faut absolument préserver l’universalisme et faire en sorte qu’il soit valable pour tout le monde. »
Une ligne très différente de Blanquer
« Sur tout ce qui touche aux minorités, il incarne des orientations qui ne sont certainement pas celles que Jean-Michel Blanquer a mises en œuvre », analyse le sociologue Michel Wieviorka. Réputé partisan du consensus, sa personnalité pourrait être un atout pour favoriser la réconciliation avec le monde enseignant, très critique à l’égard de son prédécesseur Rue de Valois. « Il est diplomate dans sa façon d’être aux autres. C’est bien car c’est un ministère qui a besoin de diplomatie », estime l’historien Pascal Blanchard. Pour Louis-Georges Tin, ex-président du Conseil représentatif des Associations noires (CRAN), dont Pap Ndiaye a été vice-président du conseil scientifique, c’est également « quelqu’un qui arrive à pacifier les tensions », qui « crée du consensus par le haut » et [qui est] « respectueux ».
Attendu au tournant
Pour le Snes-FSU, principal syndicat enseignant du second degré, « la nomination de Pap Ndiaye est une rupture avec Jean-Michel Blanquer à plus d’un titre ». Mais « l’Education nationale ne se gouverne pas uniquement à coups de symboles », met-il en garde dans un communiqué.
« Je suis stupéfait de cette nouvelle. Pour moi Pap Ndiaye n’était pas du tout là-dedans. Ce qui est sûr c’est qu’il fallait “déblanquériser” l’Education nationale », a réagi auprès de l’AFP le député LFI Alexis Corbière. Mais « ce coup médiatique, le seul de ce gouvernement terne, ne désamorcera pas la profonde colère dans l’Education nationale », estime-t-il.
Sa nomination a, par ailleurs, fait bondir l’extrême droite :
Islamo-gauchisme
Pap Ndiaye est clair : il déteste « la polémique pour la polémique ». Alors quand Frédérique Vidal dénonce en février 2021 la présence de « l’islamo-gauchisme » à l’université, il décide de réagir : « Ce terme d’islamo-gauchisme ne désigne aucune réalité à l’université. Ce qui me frappe surtout, c’est le degré de méconnaissance du monde politique des recherches qui sont menées à l’université en sciences sociales et en sciences humaines », déclare-t-il sur France-Inter.
Esclavage
Opposé à la suppression du mot « race » de la Constitution
Un vote symbolique mais qui risque « d’affaiblir le combat antiraciste », expliquait Pap Ndiaye au « Monde ». Le 12 juillet 2018, les députés français ont voté pour la suppression du mot « race » de la Constitution. L’article 1er stipulera désormais que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d’origine ou de religion » au lieu de « sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Une fausse bonne idée pour le chercheur : « Même si l’intention est louable, abolir la “race” dans les sciences sociales ou la Constitution ne fera pas disparaître les discriminations fondées sur elle », expliquait-il au « Monde ». « Même s’il est évident que la “race” n’existe pas d’un point de vue biologique, force est de constater qu’elle n’a pas disparu dans les mentalités : elle a survécu en tant que catégorie imaginaire historiquement construite, avec de puissants effets sociaux. »