Nous sommes lundi 8 juin. Un conseil de gouvernement est prévu, mais finalement reporté à mardi 9 juin. L’intervention au Parlement de Saâd-Eddine El Othmani, prévue intialement et étrangement jeudi 11 juin, soit le lendemain de la fin de la deuxième phase de l’état d’urgence sanitaire, est finalement avancée à mercredi 10 juin. En l’espace de 24 heures, l’agenda du chef de gouvernement qui n’avait ni queue ni tête reprend un semblant de cohérence.
Ces hésitations, rétropédalages, impréparations et parfois même improvisations qui ont emaillé la communication gouvernementale tout au long de la crise sanitaire, sont les témoins d’un chef de gouvernement littéralement largué. Pour faire illusion, Saâd-Eddine El Othmani s’est réfugié dans un rôle de porte-parole de gouvernement.
Le CM du gouvernement
Il a ainsi multiplié les sorties médiatiques sur les chaînes officielles : Al Aoula, 2M et Medi1 TV. Des passages souvent mal préparés, avec parfois des gaffes forçant les ministres aux commandes de l’action gouvernementale durant cette pandémie à rectifier le tir via, communiqué ou interview télévisée.
Sur les réseaux sociaux, particulièrement Twitter, le chef de gouvernement diffuse les informations communiquées par les autres ministres : le bilan quotidien de la situation épidémiologique, les décisions du Comité de veille économique, les communiqués de presse de telle ou telle institution, les actions médiatiques des autres ministres… Un activisme sur Twitter qui donne l’impression que Saâd-Eddine El Othmani est devenu le community manager du gouvernement sur Twitter.
Un rôle qui n’est évidemment pas le sien, mais qui le fera trébucher sur l’annonce, une semaine à l’avance, du passage à GMT+1. Est-ce donc le rôle d’un chef de gouvernement, en pleine crise sanitaire, d’annoncer le changement d’heure ? Le chef du PJD a-t-il atteint les abîmes du désoeuvrement en mode confinement politique ?
Politiquement justement, il faut bien exister. Quand le «faire» est devenu hors de portée, le «dire» reste la seule option. Chat échaudé, craignant l’eau froide, le secrétaire général du PJD a cette fois zappé la télé. Pour son baroud d’honneur avant la demi-annonce de la journée, le chef du gouvernement a choisi un site d’information étranger pour informer les Marocains à quelle sauce ils seront mangés. C’est ainsi qu’il s’est tout naturellement tourné vers les «frères» qataris pour s’offrir une tribune, via le site arabipost. Si certains Marocains ne comprennent pas l’incongruité de la stratégie de communication du chef de gouvernement, elle répond un peu plus à l’intérêt de ses ouailles du PJD.
Le PJD comme les autres partis, sous respirateur artificiel
En effet, le choix du média répond à la proximité du parti avec Doha. Le chef du gouvernement s’était déjà confié en février au site arabi21 sur le «Deal du siècle» et la centralité de la question palestinienne pour les Marocains, deux sujets de politique internationale. Mais bizaremment, c’est quand El Othmani parle d’un sujet interne qu’il se veut locace, déroulant les grands principes du déconfinement. Ce plan, a souligné le chef de l’exécutif, s’articule sur quatre piliers à savoir : la progressivité ; la dimension géographique et locale ; la flexibilité et la possibilité au retour au confinement ; la discrimination positive au profit des personnes vivant dans la précarité, telles les personnes âgées et les malades chroniques. Voilà de quoi interesser les lecteurs étrangers de ce site d’information.
Un simple baroud d’honneur, car le chef du gouvernement devra quelques heures plus tard se contenter du service minimum : annoncer le prolongement de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet, et laisser le soin au ministre de l’Intérieur de gérer les choses sérieuses. C’est ainsi qu’un communiqué conjoint avec le ministère de la Santé annonce la répartition des provinces et préfectures en deux groupes pour les étapes du déconfinement. Cruel de donner les détails fonctionnels après avoir laissé le chef de gouvernement essuyer les platres face à une population usée par près de 3 mois de confinement, et lassée par la communication chaotique du gouvernement en général et son chef en particuliers.
Si on souhaitait ridiculiser le chef de parti arrivé premier aux dernières élections législatives, on ne s’y prendrait pas autrement. Cette crise sanitaire a finalement retiré le voile devant les yeux des Marocains, qui pensaient naïvement que le parti majoritaire était aux commandes. L’épidémie a également infecté l’illusion d’un gouvernement élu. A celles et ceux qui n’avaient pas vu que tous les partis étaient sous respirateur artificiel, bienvenue dans le monde d’après…
Avec Yabiladi