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Théâtre, danse et musique : Sorano, un legs culturel et artistique vieux de 56 ans

La Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano est un pilier important du patrimoine du Sénégal. Ses pensionnaires ont écrit l’une des plus belles pages de l’histoire culturelle du pays. Samedi dernier, autour du thème «Jaar jaar ak Jaloore» (trajectoire et gloire), intellectuels et professionnels des arts étaient conviés à la célébration des 56 ans de l’institution, inaugurée le 17 juillet 1965, quelques mois avant le Festival mondial des Arts nègres d’avril 1966.

 

Une galerie de portraits accueille les visiteurs qui franchissent le hall du Théâtre national Daniel Sorano. Devant eux, une belle exposition fait défiler tout un pan de l’histoire de ce temple des arts et de la culture inauguré le 17 juillet 1965, il y a 56 ans, par le Président Léopold Sédar Senghor. C’était à quelques mois de la première édition du Festival mondial des Arts nègres, du 1er au 24 avril 1966 à Dakar. Des visages de pionniers du théâtre, de la danse et de la musique nous replongent dans ce qui fut l’âge d’or de ces lieux. On y reconnaît le visage souriant du parrain, Daniel Sorano, peu connu, mais qui fut un grand acteur franco-sénégalais né à Toulouse le 14 décembre 1920 et mort prématurément d’une crise cardiaque à Amsterdam, le 17 mai 1962, après le tournage d’un film. Il avait à peine 42 ans. Son père, Gabriel Sorano, fut greffier en chef au Palais de Justice de Dakar. À sa mort, Senghor disait de Daniel Sorano : «Son génie d’acteur au sens étymologique du terme fut la symbiose des génies européens et africains». Sur une autre photo, Mor Thiam, père d’Akon, le célèbre rappeur américain d’origine sénégalaise, pose délicatement ses mains sur une percussion. À l’époque, il était membre du Ballet national, avant d’émigrer aux Usa en 1968. L’exposition nous promène à travers les dédales de l’Ensemble lyrique traditionnel avec des figures iconiques comme le chanteur Abdoulaye Mboup, trop tôt disparu, le célèbre joueur de khalam Sakou Dieng, ses compères Dingding Kouyaté, Ablaye Socé, le roi des koristes Soundioulou Cissokoho ainsi que d’autres talents tels que le flûtiste Sara Ba, les chanteurs Madiop Seck, Fatou Thiam Samb, Khady Diouf, Khar Mbaye Madiaga, Ndiaga Mbaye, Mahawa Kouyaté, Mapenda Sarr, Samba Diabaré Samb, Sombel Faye, Kiné Lam et tant d’autres qui ont sillonné la planète pour faire découvrir la culture sénégalaise aux autres peuples.

Douta Seck, Doura Mané, Jacqueline Lemoine et Ismaïla Cissé

La Troupe nationale dramatique est bien représentée dans cette exposition avec des noms de dramaturges, metteurs en scène et écrivains comme Abdou Anta Ka (sa pièce «La fille des dieux» fut jouée le jour de l’inauguration), Thierno Ba, Coly Mbaye, Seyba Lamine Traoré, Jean Pierre Leurs, Alioune Badara Bèye, Amadou Cissé Dia, Maurice Sonar Senghor et tant d’autres. Sur la scène de ce mythique théâtre, ils ont donné forme à de véritables chefs-d’œuvre : «Une saison au Congo» d’Aimé Césaire, «Aline Sitoé Diatta ou la dame de Cabrouss de Marouba Fall, «Gouye Ndiouli» de Cheikh Aliou Ndao, «Chaka» de Léopold Sédar Senghor, «Ngor niébé» de Birago Diop, «Negro spiritual» d’Yves Jamaïque, «Les bouts de bois de Dieu» d’Ousmane Sembène, «La patrie ou la mort» de Mamadou Traoré Diop ainsi que des pièces de William Shakespear, Molière, Wole Soyinka, Jacques Roumain, dans lesquels ont joué d’illustres comédiens tels que Douta Seck, Doura Mané, Jacqueline Scott Lemoine et Ismaïla Cissé. Lors de leurs prestations à travers le monde, ils ont remporté des distinctions au festival de Carthage en 1985 (meilleure interprétation collective), au festival panafricain d’Alger en 1969 (médaille d’or) et d’autres prix encore. La Compagnie de Sorano, c’est aussi la chorégraphie avec les ballets «Sira Badral» et «La Linguère» où se sont formés des danseurs, percussionnistes et acrobates, à l’image de Claudine Mendy, Auguste Nanky, Meissa Niang…, qui ont fait le tour du monde et remporté des médailles et prix prestigieux.

Samedi dernier, le Directeur de Sorano, Abdoulaye Koundoul, a rappelé son souhait d’ouvrir l’institution aux autres formes d’art. À ce propos, le Directeur de la Cinématographie, Germain Coly, a dévoilé un projet de programmation visant à y projeter des films sénégalais et africains. Quant au Directeur du Musée Ifan Théodore Monod, Malick Ndiaye, il a estimé que Sorano est devenu un patrimoine et que le théâtre peut être une matrice au centre de notre politique culturelle, car on y retrouve la plupart des disciplines artistiques. Dans son intervention, Ibrahima Wane, professeur de littérature et de civilisations africaines à l’Université Cheikh Anta Diop, a insisté sur le rôle de Sorano dans l’histoire de la scène culturelle sénégalaise. Selon lui, l’édifice a un statut de temple et constitue une mémoire aux plans politique, économique et social. «Cet héritage fait de Sorano un lieu de référence qui doit être à l’abri des fluctuations du paysage artistique. Le théâtre est à la fois producteur et dépositaire d’une histoire que chaque génération doit s’approprier et féconder pour s’ouvrir des horizons porteurs», a-t-il expliqué.

Dans son intervention, Mariane Niox, Directrice artistique d’Artea Culture, a souhaité un meilleur partenariat avec Sorano dans la formation aux métiers de la scène et de la danse afin d’introduire ces activités dans les écoles par l’organisation de master class. L’objectif est de susciter des vocations et de nouvelles orientations professionnelles. «À l’ère de l’économie immatérielle, la danse doit innover», a-t-elle rappelé. Très émues, les chanteuses Mahawa Kouyaté et Ndèye Fatou Ndiaye se sont dites fières d’appartenir à cette grande famille qu’est Sorano où de nouveaux talents sont toujours en train d’éclore.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec Lesoleil

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