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Turquie: l’hostilité envers les réfugiés syriens grandit

La Turquie est, de très loin, le premier pays d’accueil de réfugiés syriens au monde, puisqu’ils sont plus de 3,6 millions à y vivre. Ce qui s’est passé le 29 juin était d’une violence inédite. Des hommes, jeunes pour la plupart, ont saccagé à coups de pierres et de bâtons des commerces dont ils supposaient qu’ils étaient tenus par des Syriens à cause de leur devanture en arabe.

La police a utilisé des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser les assaillants. La préfecture a dû publier un communiqué pour expliquer que la rumeur à l’origine de l’émeute – selon laquelle un garçon syrien avait agressé une fillette du quartier – était infondée.

Dans le passé, des rumeurs similaires diffusées sur les réseaux sociaux avaient déjà créé des troubles dans certains quartiers d’Istanbul où les Syriens sont nombreux. Mais c’est la première fois que cela se traduit par des violences physiques de ce genre.

Huit ans après le début du conflit en Syrie et l’arrivée massive de réfugiés en Turquie, l’émergence de telles violences aujourd’hui peut s’expliquer par plusieurs facteurs. D’abord, pendant les premières années du conflit, la plupart des réfugiés restaient dans les provinces frontalières, pensant rentrer chez eux.

En 2015, ils ont commencé à migrer massivement vers les villes de l’ouest, certains essayant de se rendre en Europe, créant la fameuse « crise des réfugiés », et d’autres s’installant autour d’Izmir et surtout d’Istanbul, où ils sont plus de 500 000 aujourd’hui. C’est à partir de ce moment-là que le nombre d’incidents a augmenté.

Mais c’est surtout la prise de conscience que ces réfugiés ne rentreraient pas chez eux qui a entamé la patience des locaux. À partir du moment où les Syriens ont commencé à envoyer leurs enfants à l’école turque, à accepter des emplois peu qualifiés et non déclarés dans ces quartiers, les incidents se sont multipliés.

Ils sont presque toujours déclenchés par une rumeur liée à la sécurité, mais ils traduisent surtout l’explosion d’un ressentiment qui, lui, est lié à des enjeux économiques. Les Syriens sont accusés de « voler » le travail des Turcs. La cohabitation est devenue d’autant plus tendue que l’état de l’économie turque s’est dégradé ces derniers mois, avec une très forte inflation et un chômage en hausse.

Face à ces incidents, les autorités réagissent peu. Aucun responsable national n’a commenté les violences récentes. Le pouvoir ne veut pas que ce genre d’incidents déclenche un débat national sur la présence des réfugiés et leur avenir en Turquie. Car il ne veut pas que des millions de Syriens se retrouvent stigmatisés, parce qu’il craint peut-être un embrasement, mais aussi parce qu’il sait que la présence de ces réfugiés est très impopulaire et donc coûteuse politiquement.

Les autorités veulent maintenir l’image d’une cohabitation harmonieuse entre Turcs et Syriens, et exalter l’hospitalité des Turcs, par opposition aux Européens. Mais cette image risque d’être de plus en plus écornée à mesure que les incidents se multiplient.

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