Moins de trois (03) semaines après les sanctions démesurées de la CEDEAO à l’encontre du Mali, un autre Etat membre de cette communauté Ouest africaine fait les frais d’une révolte, pour ne pas dire d’un coup d’Etat militaire, le Burkina du Capitaine Thomas SANKARA.
Comme tout citoyen libre de ce siècle, je condamne par principe les coups d’Etat militaires en Afrique, qui dépeint un tableau peu reluisant de notre continent, laissant transparaître l’image de contrés Soumises à l’absurdité « sisyphienne » d’un éternel recommencement pour parler comme Camus.
Mais, de prime abord cette rupture forcée du magistère du Président Kaboré révèle les limites de l’organisation sous régionale, la CEDEAO qui, apparemment n’a été ni dissuasive encore moins persuasive dans sa démarche entreprise contre le Mali.
A la limite, il est triste de constater, qu’elle a servi de coup de pousse à l’armée Burkinabé qui s’agitait depuis plusieurs mois dans les casernes qui ont finalement cédé, lorsque les hommes intègres ont observé la montée en puissance de la junte malienne adoubée par son peuple et la défiance opérée au grand jour par le Colonel Mamady DOUMBOUYA, qui refusa catégoriquement d’appliquer les sanctions de la CEDEAO, sans être inquiété.
Sans s’en rendre compte, la CEDEAO semble encourager les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest. En tout cas elle a particulièrement « facilité » celui-ci.
Ce pays africain, ancienne colonie française, indépendant en 1960 sous l’ancien nom de Haute Volta, l’actuel Burkina a connu huit (08) coups d’Etat successifs en si peu de temps.
Coup d’Etat du 4 janvier 1966: (Lamizana),
Coup d’Etat du 25 novembre 1980: (Zerbo)
Coup d’Etat du 7 novembre 1982:(Ouédraogo)
Coup d’Etat du 4 août 1983: (Sankara)
Coup d’Etat du 15 octobre 1987: (Compaoré)
Coup d’Etat « constitutionnel » du 31 octobre 2014
Coup d’Etat du 17 septembre 2015 (Diendéré)
Coup d’Etat du 24 Janvier 2022 (Damiba).
Pour avoir côtoyé des officiers de l’armée du Burkina pendant quinze mois (15) mois en mission au Darfour (Soudan), j’ai compris pourquoi le capitaine Thomas SANKARA a choisi de baptiser cet Etat, pays des hommes intègres. Ils sont en effet, d’une discipline de fer et d’une courtoisie exceptionnelle.
Alors me taraude l’esprit depuis ce nouveau coup de force, la question de savoir comment des hommes aussi rigoureux avec la discipline peuvent connaître huit (08) coups d’Etat, en 60 années d’existence.
Je pense qu’il est temps d’analyser la situation de l’Afrique à travers le prisme de l’homme, de la culture et de la réalité africaine.
Il faut mettre fin aux raisonnements occidentalistes d’intellectuels africains complexés, qui ramènent tout à une comparaison avec l’occident pour juger ce que nous sommes et penser ce que nous aspirons.
L’histoire et l’expérience ont montré que la colonisation a tenté de façonner l’homme africain à l’image de l’occupant mais la nature de l’homme est souvent propre à l’âme de son terroir, en l’occurrence l’Afrique.
A mon avis, il se pose désormais la question urgente de compatibilité entre les systèmes politiques africains et la réalité de l’Afrique.
Ce problème se pose notamment dans la coexistence entre l’armée et le pouvoir politique.
Ce que l’on n’enseigne comme intégrité dans les armées africaines est parfois aux antipodes de ce que nous vivons en politique chez nous, parrainé par un système que l’occident appelle démocratie.
La plupart des militaires courageux d’Afrique ont eu à penser à perpétrer un coup d’Etat, au moins une fois dans leur carrière. Je disais une fois que « l’armée est universelle mais celle d’Afrique et particulière même si elle conserve les pratiques de l’occident et de tous les compartiments militaires du monde. A un pourcentage très élevé, elle reste attachée à la culture africaine qui se transmet, se respecte et se répète de génération en génération militaire, à travers la formation et les traditions propres à l’Afrique ».
C’est sans doute ce que le capitaine SANKARA avait compris en instaurant un système propre à l’Afrique et à la réalité Burkinabé, en commençant par se débarrasser du nom colonial qui rappelait le mal être africain, tiré d’une colonisation déshumanisante.
Mais des militaires délinquants, à la solde du maitre d’entan décidèrent d’assassiner l’homme providentiel, pour retourner à la case départ.
Les auteurs de la mort de SANKARA sont les responsables de l’éternel recommencement du Burkina FASO qui, aurait pu être aujourd’hui le Burkina de Thomas SANKARA à l’image du Ghana de Jerry Rawlings, deux voisins panafricanistes.
Le capitaine SANKARA disait qu’un militaire sans formation politique, idéologique est un criminel en puissance.
Mais cette citation sensée et sensible s’adresse au militaire qui comprend le rôle qui est le sien dans la consolidation du système qu’il contribue à renforcer, et non à ébranler.
Au-delà de cet aspect, l’actualité au Burkina, semble donner raison au Colonel GOITA du Mali, sur une refondation profonde du système étatique malien, pour éviter une nouvelle chute au décollage, même si cette refondation aurait plus de sens si elle émanait d’un gouvernement issu de la souveraineté populaire.
Cependant il est aussi malheureux d’observer que ceux issus des urnes, le plus souvent, retournent toujours voir le maitre blanc, pour se faire conduire aveuglement au détriment des intérêts nationaux.
Oui, l’Afrique n’est pas l’Occident !
Les contextes sont différents. Les occidentaux ont façonné des citoyens, rendu obligatoire le service militaire et instauré la démocratie.
Avons-nous des républiques en Afrique ? Une république se définit comme étant un pays où le nombre de citoyens dépasse en loin le nombre d’ignorants et celui des membres de la communauté.
Les Grecs ont enseigné qu’il existe trois catégories d’habitants dans un pays: les ignorants,les membres de la communauté et les citoyens.
L’Afrique n’est pas forcément obligé d’adopter le modèle européen. Des pays asiatiques émergent sans y avoir recours.
Que des civils ou des militaires soient aux commandes des états en Afrique, repose plus sur des croyances que des considérations objectives.
Des civils qui ont fait leurs preuves et ceux qui ont montré leurs limites, il y en a eu. Tout comme des militaires à succès et ceux aux exactions se comptent également.
L’Afrique doit trouver ses critères d’éligibilité, son style de leadership et construire sa vision propre d’une société moderne et affranchie au troisième millénaire.
Elle a pour ce faire, sa jeunesse mondialisée, très au faîte des enjeux de l’heure et bien engagée pour changer la donne.
Le moment est venu pour que l’Afrique pense pour et par elle-même afin de forger son propre destin.
De la même manière que le médecin n’est plus celui qui prend en charge le malade et décide à sa place. C’est le malade qui gère sa santé et y invite le médecin au besoin.
Le malade est entièrement responsable de sa santé. Autant nous sommes à l’ère du couple patient-therapeute, autant les états doivent disposer de la totale liberté de choisir avec qui cheminer sur la voie de leur développement.
Plus que jamais les états doivent d’abord exprimer leur indépendance pour ensuite s’ouvrir immanquablement à la réalité de l’interdépendance des états.
L’Afrique est à cette phase de transition. Qu’elle soit menée par des civils ou des militaires n’y change rien. C’est une exigence de la jeunesse africaine présente dans toutes les sphères de la vie de leur nation.
Il faudra se résoudre à faire avec. Aussi bien la dernière génération de gouvernants que toutes les organisations continentales et internationales.
Toutes doivent accompagner cet élan qui va dans le sens du progrès de l’Afrique et du monde au finish.
Très cordialement,
Mbaye Ka