L’affaire tombe très mal pour le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), comme pour son allié conservateur au niveau national, le Parti populaire autrichien du chancelier Sebastian Kurz (ÖVP), mais aussi pour l’ensemble de la droite nationaliste européenne, dont de hauts représentants sont actuellement réunis à Milan pour un meeting autour de Matteo Salvini et Marine Le Pen.
Quelques jours à peine avant les élections européennes, ce samedi, le numéro deux du gouvernement autrichien Heinz-Christian Strache a annoncé sa démission, à l’issue d’une réunion de crise organisée à Vienne autour du président de la République, l’écologiste Alexander Van der Bellen, et du chancelier Kurz. La veille, le patron de l’extrême droite avait été gravement mis à nu dans une vidéo.
Piégé dans une vidéo enregistrée à son insu il y a deux ans à Ibiza
M. Strache s’est présenté devant la presse ce samedi avec le ministre de l’Intérieur Herbert Kickl et la cheffe de la diplomatie Karin Kneissl. Également présent : l’ex-candidat du FPÖ à la présidentielle, ministre aussi. « Je me suis comporté comme un adolescent macho qui voulait impressionner cette femme et je m’excuse auprès de mes proches, et en premier lieu ma femme », a-t-il dit.
Enregistrée à son insu il y a deux ans, alors qu’il se trouvait à Ibiza pendant la campagne des législatives, la vidéo montre M. Strache tentant de convaincre une femme, qu’il croit être la nièce d’un oligarque russe, de financer son parti et de racheter le tabloïd le plus lu d’Autriche, le Kronen Zeitung, pour faire « comme Orban » en Hongrie. Il y promet aussi des contrats publics en cas de victoire.
Législatives ? Remplacement ? Sebastian Kurz doit prendre la parole
Deux journaux allemands, Der Spiegel et Süddeutsche Zeitung, sont à l’initiative de cette publication à rebours, qu’ils décrivent comme un piège dans lequel celui qui était alors sur le point d’entrer au gouvernement serait tombé. Le document daterait de juillet 2017, soit trois mois avant les élections. M. Strache y est accompagné de son protégé Johann Gudenus, démissionnaire aussi.
Le chancelier doit prendre la parole. Se dirige-t-on vers une montée dans la hiérarchie de l’ancien adversaire du chef de l’État à la présidentielle de 2016, Norbert Hofer ? Voire d’une autre personnalité ? Des législatives anticipées ? M. Van der Bellen a le dernier mot sur les nominations, et M. Strache s’est contenté d’annoncer que Norbert Hofer le remplaçait à la tête du FPÖ.
Vers une affaire à tiroirs au sommet du gouvernement autrichien ?
L’affaire commence à peine. Dans la vidéo, longue de six heures tout de même, M. Strache s’épenche aussi sur les financements de ses alliés du parti conservateur du chancelier Sebastian Kurz. Des entreprises sont citées. Le FPÖ a annoncé qu’il comptait déposer plainte, car la vidéo, tournée en Espagne et dont l’authenticité n’est pas contestée, aurait été prise dans des conditions illégales.
Heinz-Christian Strache dirigeait le FPÖ depuis 2005. Près de 15 ans. Difficile pour lui de ne pas se retirer, analyse cependant notre correspondante à Vienne, Isaure Hiace, après une telle promesse d’attribution de marchés publics en cas de victoire, sa proposition de rachat du Kronen Zeitung, ou encore sa suggestion pour contourner les règles de financement politique via une association.