Le cabinet d’experts commis par l’Usaid pour auditer le fichier a reçu un document qui n’était pas celui validé par la commission politique du Dialogue national. C’est une révélation de représentant des non-alignés. Déthié Faye assure, par ailleurs, que le gouvernement élargi émane d’un dialogue bilatéral et non d’un dialogue national. Dans cet entretien, il juge «regrettable» le blocage du Dialogue national.
Quelles sont les raisons du blocage du dialogue politique?
Il faut dire que c’est plutôt le Comité de pilotage du Dialogue national qui est dans une situation de blocage depuis l’avènement de la pandémie du Covid-19. Je rappelle que nous avions salué la reprise des travaux des commissions. Mais à ce jour, aucune initiative n’a été prix pour que le Dialogue national puisse poursuivre ses travaux à travers ses commissions politiques ou à travers des réunions de ses instances, à savoir le bureau ou la conférence des présidents. C’est là une situation de blocage regrettable parce que le décret qui prorogeait le temps accordé aux commissions, hormis la commission politique, un délai de 3 mois, a expiré le 12 novembre, ce qui fait qu’on ne peut plus parler de commission Tant qu’un autre décret du président de la République n’est pas pris pour accorder un délai à la finition des travaux de ces commissions-là. Et si un tel texte devrait être pris, il est clair qu’il faudra revoir le management du Comité de pilotage. Parce que les événements que nous avons vécu depuis que ce Comité de pilotage a été mis en place en raison que les commissions pourraient ne pas être dans des conditions permettant de finaliser leurs travaux. Il est clair qu’il n’y a que le président du Comité de pilotage et le président de la République qui peuvent édifier les Sénégalais sur les raisons véritables du blocage regrettable que nous constatons aujourd’hui. Je pense que l’étant au service de la République, ces autorités ont l’obligation d’édifier les Sénégalais. On ne peut pas prendre cette initiative de lancer le Dialogue national, initiative qui a été saluée par toutes les forces vives de ce pays et ensuite en arriver à ce que le travail qui a été engagé peut se terminer comme ça en file d’attente de poisson et sans qu’on ne sache exactement ce qui est à la base du problème. Actuellement, il n’y a que la commission politique du Dialogue national qui a représailles ses travaux depuis le 19 août et a déposé son premier rapport le 26 septembre. L’autre phase des travaux de la commission politique reprendra quand l’audit du fichier et l’évaluation du processus électoral ont été faits et que les recommandations seront communiquées à ladite commission. A partir de cette étape, la commission se réunira encore pour terminer les quelques points qui restaient et dont dépendaient les conclusions de cet audit et de cette évaluation du processus électoral.
Justement, où en est-on sur l’audit du fichier et l’évaluation du processus électoral?
La commission politique, après avoir validé les termes de référence de cet audit et de cette évaluation du processus électoral, avait saisi le gouvernement pour que nos partenaires techniques et financiers pourraient être mis à contribution en prenant en charge, si possible, les deux points. C’est dans ce cadre que la commission politique avait mis en place un comité de suivi de toutes les étapes de l’évaluation du processus électoral et de l’audit du fichier. Ce comité de suivi est aujourd’hui parvenu à trouver un accord avec l’Usaid pour le choix d’un cabinet qui sera chargé du recrutement des experts chargés de l’audit et de l’évaluation. Le choix du cabinet chargé de la sélection des experts a été validé et le cabinet a reçu l’aval du comité de suivi pour que le document portant termes de référence de l’audit et de l’évaluation soit publié à l’intention des experts qui pourrait être amenés à soumissionner pour être sélectionné. Ce lancement a été fait, et je pense que dans un délai qui ne devrait pas dépasser un mois, la sélection pourra être faite par le cabinet et validée par le comité de suivi pour que ces deux activités doivent immédiatement démarrer. C’est là un acquis de taille non négligeable qui demande simplement que les acteurs qui ont demandé cet audit et cette évaluation du processus électoral restent vigilants pour que rien ne puisse interférer et remettre en cause les orientations fondamentales que nous avons dégagées. Cette vigilance est nécessaire parce que lorsque nous avons rencontré le cabinet choisi par l’Usaid, ce cabinet nous a montré le document qui lui a été envoyé comme termes de référence. Mais notre surprise a été grande de constater que ce document-là n’était pas du tout conforme à celui validé par la commission politique du Dialogue national et remettait même en cause certaines de ses orientations fondamentales. C’est dans ce cadre que nous avons demandé au cabinet d’annuler ce document et invité l’Administration à mettre à la disposition du cabinet les documents adoptés par la commission politique et transmis au président de la République.
Le statut du chef de l’opposition à un fait débat entre Rewmi et le Pds. Idrissa Seck est aujourd’hui dans la mouvance. Cette question est-elle toujours une priorité?
J’ai toujours dit que le débat sur le statut de l’opposition et le mode de désignation de son chef a été biaisé dès le départ. Les acteurs politiques qui se sont lancés dans une compétition ou dans un débat de désignation du chef de l’opposition sont passés totalement à côté. Parce que le statut de l’opposition et le mode de désignation de son chef doivent être des textes législatifs et, autant que je sache, une loi ne devant pas être rétroactive, si une loi est adoptée sur le statut de l’opposition et le mode de désignation de son chef, elle ne devrait être applicable qu’à partir des prochaines élections. On constate donc que ceux qui se sont lancés dans la désignation de personnes ou n’ont pas compris ou étaient obsédés par le fait de vouloir imposer leur mentor comme chef de l’opposition. Je pense que cette question qui figure dans la Constitution doit être présente en mettant en avant de côté toutes les approches politiques qui sont à la base de ce malentendu qui a poussé certains à dire que c’est dans la Constitution mais ce n’est pas important ou que ce n’est pas prioritaire. Ce n’était pas une question de priorité, il s’agit simplement d’une obligation, en tant que républicains, de faire en sorte que toutes les dispositions de la Constitution soient respectées par tous. C’est dès le départ, nous avons refusé de nous inscrire dans la dynamique de considérer qu’avant les prochaines élections on peut désigner un chef de l’opposition. Maintenant pour ce qui concerne le rapprochement d’un leader de l’opposition à la majorité, cela ne remet nullement en cause le principe que j’ai énoncé à savoir que le statut de l’opposition, le mode de désignation de son chef, ce sont des questions qui ne peuvent être prises en charge qu’à partir des prochaines élections. Si nous disons et nous nous entendons pour dire que le chef de l’opposition sera celui qui est second à l’élection présidentielle, mais ça sera à la Présidentielle de 2024, si c’est celui qui a le plus grand groupe parlementaire après la majorité, ça sera après les Législatives de 2022. Par conséquent cela n’a aucun rapport avec le fait qu’un leader ait intégré le gouvernement ou non. Ceon peut simplement dire c’est-ce que celui qui intègre actuellement le gouvernement appartient toujours à l’opposition ou non.
Est-ce que finalement le Dialogue national n’a pas été qu’une simple enveloppe pour couvrir ce qu’on a appelé un gouvernement «d’ouverture»?
Le Dialogue national a été lancé pour amener toutes les forces vives de la Nation à se concerter et à examiner les questions fondamentales qui conditionnent le développement de notre pays. Quand le président de la République a pris l’initiative, les forces vives de la Nation, dans un élan patriotique, dans un sursaut national, ont décidé de répondre favorablement à cette concertation. Les forces vives ont compris que le Peuple sénégalais n’a pas été envoyé des gens au pouvoir pour qu’ils piétinent l’opposition ou qu’ils ne servent que leurs partisans. Non plus il n’a pas été envoyé des Sénégalais dans l’opposition pour que ceux-là étaient à faire que de l’obstruction. C’est par conscience de leurs responsabilités que les forces vives se sont mises autour d’une table pour discuter des questions essentielles concernant le devenir de notre pays. Aujourd’hui, il ne fait l’ombre d’aucun doute, et les conclusions de la commission politique sont là pour en attester, que le Dialogue national est une option pertinente pour un pays qui veut consolider sa démocratie, sa cohésion, sa stabilité et pour faire face à toutes les menaces qui viennent de toutes les parties, en particulier dans cette sous-région ouest-africaine. Mais il faut reconnaître que ce que vous appelez le gouvernement élargi émane plutôt que de concertations bilatérales et non d’un Dialogue national. Je considère que chaque parti politique est souverain et, à ce titre, peut donner mandat à son leader d’engager des discussions avec un autre parti politique en vue de parvenir à des accords. Apparemment, c’est cela qui s’est passé parce qu’au moment où il y avait le Dialogue national, il y avait aussi depuis au moins 15 mois des concertations bilatérales qui ont effectivement permis la mise en place de ce gouvernement élargi. Je respecte les choix des partis qui sont arrivés à cette conclusion. Je m’abstiendrai aussi de faire des commentaires particuliers parce que ignorant les tenants et les aboutissants des discussions qui ont été envisagés et les conclusions qu’ils ont conduit. En tout état de cause, ceux qui veulent mettre ce gouvernement élargi sous le compte du Dialogue national sont ceux qui, dès le départ, fustigeaient ce même dialogue et ont refusé d’y prendre part. Donc, c’est une approche simplement destinée à discréditer ce dialogue et ceux qui y ont pris part.