Le procès de l’homme d’affaires et ex-président du FCE, Ali Haddad, s’ouvrira aujourd’hui au tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. L’ex-président du FCE comparaîtra avec les deux ex-Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia et d’anciens ministres.
Poursuivi pour plusieurs chefs d’inculpation – «obtention de privilèges, d’avantages et de marchés publics en violation de la législation», «dilapidation de deniers publics», «abus de fonction», «conflit d’intérêts» et «corruption dans la conclusion de marchés publics» –, l’homme d’affaires Ali Haddad, patron du groupe ETRHB et ex-président du FCE (Forum des chefs d’entreprise), devra répondre dès aujourd’hui à ses présumés actes devant le tribunal de Sidi M’hamed, près la cour d’Alger.
Il ne sera pas seul, puisque les deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ainsi que de nombreux ministres de leurs gouvernements respectifs seront dans le box des accusés.
Il s’agit de quatre ex-ministres de l’Industrie, Amara Benyounès, Abdessalem Bouchouareb (en fuite à l’étranger) Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda, de quatre autres des Travaux publics, Abdelkader Ouali, Abdelghani Zaalane, Ammar Ghoul et Boudjemâa Talai, ainsi que plusieurs anciens walis.
Trois ex-ministres, Ammar Tou, Karim Djoudi, et Abdekader Bouazgui, ainsi que Mohamed Khenfar, ex-wali d’El Bayadh, ont obtenu un non-lieu dans cette affaire, alors que Abdelkader Zoukh, ex-wali d’Alger, a été déféré devant un autre tribunal pour les mêmes faits.
Les mis en cause devront répondre de plusieurs chefs d’inculpation : «octroi d’indus avantages», «abus de fonction dans le but de d’octroyer d’indus avantages à autrui», «conflit d’intérêt», «trafic d’influence», «corruption», «dilapidation de deniers publics» et «complicité dans la dilapidation de deniers public».
L’enquête préliminaire avait fait état de révélations inédites sur l’hégémonie de l’homme d’affaires sur les marchés publics et les banques publiques. Ainsi, de l’année 2000 jusqu’à 2019, le groupe ETRHB a bénéficié de 124 marchés publics (dont la plus grande partie entre 2012 et 2018), d’un montant de 78 410 milliards de centimes.
Le secteur des travaux publics vient en première position, avec 99 marchés, pour une enveloppe de 56 430 milliards de centimes, suivi de l’hydraulique avec 23 marchés d’un montant de 21 719 milliards de centimes, puis de l’énergie et des mines avec 2 marchés de plus de 261 milliards de centimes.
Grâce à sa proximité avec le frère du Président déchu, Ali Haddad décroche 452 crédits bancaires pour un montant de 211 000 milliards de centimes, dont 167 000 milliards de centimes, soit 83%, ont été accordés par des banques publiques, à leur tête le CPA (Crédit populaire d’Algérie), avec 73 000 milliards de centimes, soit 43% des montants prêtés.
L’enquête a détaillé particulièrement les marchés obtenus par l’ETRHB, avec des sociétés étrangères ; le portugais Teixeira, les turcs Mapa et Ozgun, les chinois CSCEC et Chec, l’italien Rizzani Todini, les espagnoles Ofcc, Inerica, Enyse, comme chefs de file et qui auraient bénéficié des plus grands montants transférés à l’étranger. Ils concernent de nombreuses réalisations majoritairement non achevées, avec de nombreux avenants ayant fait exploser les coûts.
Le cas de la ligne du tramway Alger-Est, confiée à l’ETRHB, avec Meditrail et Alstom comme chefs de file, pour un montant de 3263 milliards de centimes, dont une grande partie, soit 2300 milliards de centimes, transférée en devises. Après 19 avenants, le coût de cette réalisation a connu une hausse de 88% du montant initial, avec un retard de 9 ans.
L’enquête vise aussi le marché de réalisation de la ligne ferroviaire Oued Tlélat-Colonel Abbas, à Tlemcen, décroché après recours, par
l’ETRHB, associé avec FCC, comme chef de file, alors que le groupement turc Alarko-Ozgun, qui a obtenu l’attribution provisoire, était le moins disant, avec un montant de 102,224 milliards de dinars.
L’enveloppe financière passe de 123,420 milliards de dinars à 320,859 milliards et le délai de réalisation est élargi à 48 mois. Ce contrat connaîtra lui aussi 4 avenants pour faire passer le montant global de 102,224 milliards de dinars à 118,522 milliards de dinars, et les délais de réalisation de 48 mois à 93 mois, et de mars 2013 à 2019, le taux d’avancement des travaux était de 7%.
Les investigations ont concerné aussi les circonstances de désistement de la cimenterie de Relizane à Ali Haddad, et dévoilé de «nombreuses anomalies» ayant entaché cette opération, «menée sur intervention» du Premier ministre, mais aussi en vertu d’une résolution du CPE (Conseil des participations de l’Etat), d’une instruction du ministre de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb, et de celle du ministre du Développement industriel et de la Promotion de l’investissement, Amara Benyounès.
Selon l’enquête, ces responsables «se sont unis» pour faire «pression» sur les membres du conseil d’administration du GICA et les «pousser» à entrer, contre leur volonté, dans des négociations avec Haddad pour se retirer de la cimenterie à son profit.
Les enquêteurs ont aussi dévoilé l’affectation à Ali Haddad de sept structures portuaires, Djendjen (Jijel), Alger, Béjaïa, Mostaganem et Annaba, dans le cadre de la concession pour des périodes allant de 3 à 30 ans renouvelables.
A cela s’ajoutent les nombreuses assiettes foncières dont il a bénéficié dans plusieurs wilayas. Comment, dans quelles conditions et quelles sont les responsabilités des autorités ? Autant de questions auxquelles le tribunal devra donner des réponses.