Près de 400 personnes ont été blessées, samedi 18 janvier à Beyrouth, dans des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Un niveau de violence exceptionnel depuis le début du mouvement de contestation il y a trois mois.
Avec notre correspondant à Beyrouth,Paul Khalifeh
Quelque 377 personnes, dont des dizaines d’agents de police, ont été soignées sur place ou transportées vers des hôpitaux, lors des heurts qui ont secoué samedi soir les abords du Parlement et de la place des Martyrs, épicentre de la contestation à Beyrouth, selon les bilans de la Croix-rouge libanaise et de la défense civile compilés par l’Agence France-presse. Le centre-ville avait des allures de champ de bataille et d’importants dégâts ont été occasionnés aux biens publics et privés. Les forces anti-émeutes ont fait usage de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc et de canons à eau. Les manifestants ont lancé des pierres et de gros pétards. L’armée a été appelée en renfort pour rétablir l’ordre à la demande du président de la République Michel Aoun.
Exaspération et radicalisation
Il s’agit du déchaînement de violence le plus grave depuis le début de la contestation le 17 octobre dernier. L’exaspération de la population a été exacerbée par la dégradation rapide des conditions de vie. Selon diverses sources, 50% des Libanais ont sombré dans la pauvreté en l’espace de quelques mois seulement. Mais la colère s’est amplifiée ces derniers jours à cause des querelles de la classe politique qui retardent la formation d’un gouvernement malgré l’urgence de la situation. Les Libanais ont l’impression que leurs dirigeants ne prennent pas la mesure de la gravite de la crise et ne se soucient pas de la situation catastrophique dans laquelle ont été précipités de larges pans de la société. Preuve en est, le gouvernement n’a toujours pas vu le jour deux mois après la démission de l’ancien Premier ministre Saad Hariri et quatre semaines après la désignation de son successeur Hassan Diab.
Règlements de compte entre partis
Ces derniers jours, la contestation a surtout ciblé la Banque centrale et le secteur bancaire, jugés responsables de la crise. Samedi, c’est le Parlement qui était dans son collimateur. Plus qu’un changement de tactique, il faut rappeler que la contestation n’est pas un mouvement homogène doté d’un programme unifié. Chaque groupe a ses priorités qui sont parfois soutenues, indirectement, par les partis politiques qu’elle affirme rejeter. Le ciblage des banques par exemple, est en phase avec le discours du Hezbollah. On a vu beaucoup de chiites protester contre le secteur bancaire. À l’opposé, un grand nombre de sunnites, essentiellement venus du nord du Liban, ont manifesté samedi devant le Parlement, dont le président est chiite. Les partis politiques confessionnels ont trouvé le moyen de se livrer à des règlements de compte même à travers le mouvement de contestation, qui se veut non communautaire.